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Espagne : la fin du paradis fiscal sous le soleil ?

Entre écologie, patrimoine et logement, le pays durcit ses règles fiscales. Une mutation que les Français installés au sud des Pyrénées commencent à ressentir… jusque dans leurs poubelles.

Le rêve fiscal espagnol s’effrite doucement

Longtemps, l’Espagne a incarné le Graal des contribuables français en quête de légèreté : impôts moins lourds, immobilier accessible, climat de carte postale. Entre 2015 et 2024, plus de 90 000 Français ont fait le choix de s’installer au sud des Pyrénées, selon les registres consulaires. Mais à la veille de 2026, le ton change.

Sous pression européenne et locale, Madrid comme les régions autonomes revoient leurs priorités : place à la fiscalité écologique, à la régulation du logement et au financement des collectivités. Les Français qui possèdent un bien sur la Costa Blanca ou télétravaillent depuis Valence découvrent peu à peu la contrepartie du soleil : des impôts qui montent.

« L’Espagne devient adulte fiscalement », résume un fiscaliste madrilène. « On ne cherche plus seulement à attirer, mais à équilibrer. »

La “Tasa de Basuras” : le symbole d’un tournant écologique

Depuis fin 2025, une nouvelle taxe nationale, la Tasa de Basuras, s’applique dans la majorité des communes espagnoles. Son principe est simple : faire payer chaque foyer en fonction de sa production de déchets. Une mesure écologique, mais aussi budgétaire : les municipalités manquaient cruellement de recettes.

À Valence, Séville ou Alicante, la facture grimpe en moyenne de 80 à 150 € par an. Pour les Français propriétaires d’un logement secondaire, c’est une surprise de taille : cette taxe s’ajoute à l’IBI, l’équivalent espagnol de la taxe foncière, et à la Plusvalía Municipal, due en cas de revente.

Sur Mediaterranee, un dossier récent sur la montée du coût de la vie en Méditerranée illustre ce phénomène : les villes balnéaires, longtemps attractives, deviennent plus chères à entretenir que prévu. Cette taxe sur les déchets n’est qu’un début : plusieurs municipalités testent désormais des prélèvements liés aux piscines, aux locations touristiques ou à la climatisation. L’écologie devient un levier fiscal.

Patrimoine et immobilier : les régions reprennent la main

Le second choc fiscal vient des communautés autonomes, ces régions espagnoles semi-indépendantes qui disposent d’une marge fiscale considérable. La Communauté valencienne, très prisée des Français, a voté en 2025 une réforme de l’impôt sur le patrimoine (Impuesto sobre el Patrimonio).

Désormais, le seuil d’imposition est abaissé à 500 000 € de patrimoine net, contre 700 000 € auparavant. Et certaines exonérations pour les non-résidents ont disparu. Pour les retraités français qui ont investi dans la pierre, cela change tout : l’immobilier n’est plus perçu comme un simple refuge, mais comme un actif fiscalement utile à la collectivité.

Cette tendance rejoint notre article sur les tensions immobilières sur la côte méditerranéenne, où les résidents locaux peinent à rivaliser avec le pouvoir d’achat des étrangers.

« Les autorités régionales cherchent à compenser les déséquilibres sociaux créés par l’investissement étranger massif », explique un économiste de l’Université d’Alicante. « Les expatriés ne sont pas ciblés, mais ils ne sont plus hors du jeu. »

France vs Espagne : deux visions de la “justice fiscale”

Ironie du calendrier : pendant que l’Espagne alourdit ses taxes locales, la France prépare pour 2026 une réforme de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Objectif : élargir l’assiette à certaines “richesses improductives”. Résultat : la comparaison franco-espagnole devient plus nuancée.

En Espagne, on taxe la détention et la transmission ; en France, on vise la nature et l’utilité du patrimoine. Mais dans les deux cas, l’impôt retrouve une dimension morale : celui de la contribution juste.

Cette convergence rappelle la réflexion engagée dans notre dossier L’Europe du Sud face à la justice fiscale, publié cet automne. Pour les Français installés à Malaga ou Barcelone, cela signifie qu’il devient difficile de « jouer » entre deux systèmes : les conventions fiscales limitent désormais les échappatoires. Le temps des arbitrages faciles entre les deux pays semble révolu.

Les Français s’organisent : un nouvel eldorado du conseil fiscal

Cette complexité crée paradoxalement un nouveau marché : celui du conseil fiscal transfrontalier. Les cabinets franco-espagnols voient leurs dossiers exploser. Télétravailleurs, retraités, investisseurs : tous cherchent à clarifier leur statut entre les deux rives.

Le régime Beckham, qui permet d’imposer les revenus espagnols à taux fixe pendant six ans, reste attractif pour les nouveaux arrivants. Mais pour les propriétaires non-résidents, la fameuse déclaration “modèle 210” devient un passage obligé.

Dans les forums d’expatriés, les discussions se multiplient : comment déclarer, quand, et où ? Cette “fiscalité de la mobilité” façonne une nouvelle génération d’Européens : nomades, connectés… mais désormais fiscalisés.

Vers une fiscalité méditerranéenne assumée

Au fond, ce qui se joue dépasse l’Espagne. C’est tout le bassin méditerranéen qui réinvente sa fiscalité autour d’une idée : l’équilibre entre attractivité et responsabilité. La Tasa de Basuras, les hausses régionales sur le patrimoine, les contrôles accrus sur les locations touristiques : tout converge vers un même modèle, celui d’une Europe du Sud plus durable.

« Nous ne voulons plus être perçus comme un refuge fiscal, mais comme une économie stable et responsable », confiait récemment un élu andalou à Mediaterranee.

Un discours nouveau, qui séduit même certains Français : ceux qui voient dans cette évolution un signe de maturité, pas de contrainte.

En conclusion : un réveil fiscal sous le soleil

Non, le paradis fiscal espagnol n’a pas disparu. Mais il s’est transformé : il demande désormais une part de responsabilité à ceux qui profitent de ses atouts. Et dans cette Espagne de 2026, plus consciente et plus exigeante, le soleil continue de briller — mais il éclaire aussi un nouveau mot d’ordre : contribuer.

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