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Cinéma: Le film bosniaque "Le choix de Luna" sort en France

Jasmila Zbanic, née en 1974 à Sarajevo, est une des rares réalisatrices de Balkans, dont les films sortent régulièrement en Occident.

Son deuxième long métrage présenté en France sous le titre "Le choix de Luna", sera dans les salles obscures dès le 9 février grâce à la production "Diaphana".

La cinéaste y aborde le thème du salafisme que l'on confond très fréquemment avec le wahabisme.

Le personnage principal de son histoire est Luna, une jeune Sarajevienne qui essaie de sauver son mariage et son amour.

Tâche difficile car son mari Amar, devenu chômeur à cause de l'alcoolisme, trouve le réconfort auprès d'une étrange communauté qui semble appartenir à un autre temps.

Restée sans nouvelles de lui, Luna se met à sa recherche et le retrouve dans un curieux environnement, qui n'a en tout cas rien à voir avec leur vie de citadins d'aujourd'hui.

La jeune femme fait un grand effort pour le sortir de cet isolement, mais Amar, qui porte encore les blessures de guerre, n'est pas prête d'accepter la perte de son unique frère.

De plus, Amar est persuadé d'avoir trouvé le soutien nécessaire auprès de ses nouveaux amis. Pourtant, le jeune homme finit par revenir chez lui, mais complètement changé. Luna n'est pas sûre que leur amour pourra résister à ces épreuves inattendues.

A lui seul, le titre original: "Na putu" (Sur le chemin) suffit à exprimer la signification spirituelle du film, centrée sur la recherche intime des personnages et l'analyse du monde actuel.

Le jeune couple Luna et Amar s'aiment profondément. Mais chacun se doit d'assumer ses choix propres. Malgré la déception, Luna décide de garder son enfant encore à peine "sur le chemin"! Elle désire intensément ce fruit d'amour, mais elle tient à examiner et déterminer les conditions de son arrivée!

La cinéaste Jasmila Zbanic précise:

"Le choix de Luna" est la description de la vie commune d'un couple ordinaire, frappé par des conditions d'existence extraordinaires, en tant qu'habitants de Sarajevo. En plus de s'aimer, Luna et Amar sont liés par un passé similaire, qui rend leur lien encore plus fort."

"Déchirés par la guerre, ils essaient de rendre supportable la douleur de leur passé. Quand j'écrivais le scénario, je regardais les deux personnages comme un seul corps fait de différentes parties. Ils ont des intérêts communs, les mêmes amis, mais les obstacles de la vie les font réagir différemment."

"Leur situation quotidienne change et ils réagissent chacun différemment. Amar, l'ancien soldat, boit beaucoup, comme pour compenser le vide  émotionnel et le souvenir de la guerre ainsi que les difficultés de la vie actuelle. Il cherche une protection, un soutien masculin, une fraternité et, tout cela, il le trouve dans la religion. "

"Mais l'amour de Luna est aussi important. La transformation d'un être humain est d'autant plus rapide que le vide émotionnel est grand. Amar cherche un sens, une explication, une identité. "

"Dans la communauté wahhabiste, il trouve la paix qu'il recherchait, les réponses qu'il attendait et il se sent accepté par les autres."

"Beaucoup ont associé salafisme et terrorisme. C'est vrai pour le groupe fondamentaliste Al-Qaida, mais pas pour les autres groupes musulmans aux doctrines rigides. "

"J'ai choisi de parler des salafistes parce que les préjugés qui existent contre eux me paraissent un moyen idéal pour raconter cette histoire d'un jeune couple de Sarajevo. "

"Comme pratiquement tous les Bosniaques sont musulmans, il y a une véritable attitude anti-wahabisme dans notre région et ce n'est pas parce qu'ils fêtent l'Aïd que ce sont des terroristes. "

"Dès le départ, Luna ne cache pas ses préjugés contre l'ami wahabiste d'Amar et sa femme voilée. Comme elle, j'ai des préjugés!"

"Je réprouve la violence qui résulte de l'islam fondamentaliste. J'ai dû être très prudente afin de ne pas véhiculer des idées et des croyances qui auraient fait du film un acte de propagande. Je ne suis là ni pour défendre ni pour accuser le salafisme, le wahhabisme, l'islam ou une autre religion."

"Mais après la guerre, les Bosniaques musulmans qui ont survécu au génocide se sont retrouvés sur un terrain désert où leurs anciennes valeurs ont été massacrées au même titre que leurs droits en tant qu' êtres humains. "

"Pour beaucoup entre eux, la religion est devenue comme une couverture rassurante. Les musulmans de Bosnie en tant que Slaves se sentent européens, mais l'UE n'est pas convaincue que nous avons notre place au sein de l'Europe. "

"La question est de savoir où est notre place. De nombreuses études montrent que la religion a dans notre vie une place  plus grande qu'il y a une dizaine d'années."

"Certains prétendent que la civilisation occidentale devient de plus en plus religieuse, mais aussi qu'elle se tourne de plus en plus vers une droite extrémiste et puritaine."

" J'ai moi même remarqué que des personnes de mon age ou même plus jeunes  trouvent du réconfort dans la religion. La religion occupe un rôle important dans mon film mais n'est pas le pivot central."

"Je n'ai pas eu l'intention de faire un film sur la religion. J'ai voulu montrer comment la transformation religieuse d'Amar affecte sa relation amoureuse."

"Même si l'attitude de Luna est plutôt critique, je n'ai pas non plus cherché à faire un film contre l'islam. "

"J'ai choisi cette religion, parce que c'est celle que je connais le mieux. Le film aurait très bien pu exister dans un contexte religieux différent dans un milieu d'intégristes chrétiens, de juifs orthodoxes ou d' Hare Krishna".

Jasmila Zbanic a reçu l'Ours d'Or aux Berlinales de 2008, pour son premier long métrage :"Sarajevo, mon amour" dont le titre original, "Grbavica" rappelle un quartier de la capitale.

La réalisatrice a aussi remporté le Grand Prix du Jury de l'AFI (American Film Institute), Prix Œcuménique et le Prix de la Paix et enfin, Le Grand Prix Odyssée du Conseil Européen pour les Droits de l'Homme.

Elle est auteure de plusieurs courts-métrages et films documentaires qui ont trouvé leur public, aux quatre coins du monde.

L'héroïne principale du "Choix de Luna", Zrinka Cvitesic est Croate, née en 1979 à Karlovac. Diplômée de l'Académie des Arts Dramatiques de Zagreb et actuelle pensionnaire du Théâtre National Croate, la comédienne a été parmi les dix "Shooting Stars", meilleures jeunes actrices européennes, pour son interprétation de la Sarajevienne moderne.

Djana Mujadzic