La formidable histoire du docteur Jean Sadek Masseboeuf
Par N.TPublié le
Il a quitté ce triste monde le 24 avril de l’année 1985 sous le nom de Jean Sadek Masseboeuf, converti à l'Islam… le terme d’une vie riche de passions, de combats et de dignité.
Son itinéraire est intimement lié à la lutte d’indépendance de son pays d’adoption, l’Algérie, cet amour fou auquel il donnera d’abord ses plus belles années de jeune médecin dans la ville de Ténès, l’antique Cartennas à la géographie rebelle, y devenant le « médecin des pauvres », vingt annéés durant.
L’Algérie libre, cet engagement qui le conduira de geôles en geôles, à la fleur de l’âge, pendant cinq ans, neuf mois et quelques jours, du 7 juillet 1956 au 14 avril 1962, à l’aube de l’indépendance, du bagne de Ksar-Chellala, sur les Hauts Plateaux, à la prison de Casabianda, en Corse, en passant par les prisons de Boghari, d'Orléanville, de Maison-Carrée (El-Harrach), et des Baumettes à Marseille...
L’Algérie en construction, ce défi auquel il consacrera tout son talent professionnel et son énergie, sans relâche, dans la ville de Constantine, jusqu’à son épuisement naturel. Il emportera avec lui ce rêve inachevé d’une société d’égalité et de justice, d’une terre d’accueil, d’adoption et de fraternité.
Le 27 septembre 1957, devant le Tribunal militaire d’Orleanville (aujourd’hui Al-Asnam), qui le condamna à 20 ans de travaux forcés, Jean Sadek Masseboeuf déclarait :
« Je me présente à vous en tant qu’Algérien d’adoption, Français d’origine, qui a passé toute son enfance en France, qui y a toute sa famille, qui est imprégné de son ciel et de sa culture, qui aime la France et qui l’a prouvé (1).
Avec mes amis, mes camarades, mes frères, de France et d’Algérie, j’ai, dans la mesure de mes moyens et pendant plus de vingt ans, montré une autre image des Français d’Algérie que celle de l’arbitraire et de la violence, une autre image de l’Algérie que celle du mépris racial et des appels à la haine. J’ai la conscience claire d’avoir ainsi contribué à maintenir vivantes toutes les possibilités d’entente entre tous les Algériens d’une part, et d’autre part entre le peuple de France et d’Algérie de demain qui sera, inéluctablement.
J’ai la conviction d’avoir servi l’Algérie et la France, en me montrant fidèle à la terre de mes ancêtres, la France, ma patrie, et à mon pays d’adoption, l’Algérie »
Et pour s’enrichir de cette formidable histoire de la vie de Jean Sadek Masseboeuf, il faut lire l’ouvrage que lui consacre son neveu Jean-Louis Masseboeuf: "Jean Sadek Masseboeuf, itinéraire d'un médecin algérien", volume 1, 1908-1962 (éditions Bouchène). 246 pages. 20 €.
(1) Jean Sadek Masseboeuf a été mobilisé durant la deuxième guerre mondiale en tant que médecin-lieutenant en 1939 et démobilisé en tant que médecin-capitaine en 1946