La Tunisie, maillon faible du Maghreb face à la menace djihadiste
Par N.TPublié le
Protestations sociales dans le sud, attentats sanglants, porosité de la frontière libyenne... le malaise augmente en Tunisie. Mais l’attelage islamo-libéral au pouvoir se révèle incapable d’organiser une riposte cohérente. La résistance de la société civile au terrorisme islamiste est, elle aussi, fragilisée.
L’événement marque un tournant dans le terrorisme islamiste qui frappe la Tunisie depuis le renversement du régime de Ben Ali, en 2011. Bien plus qu’un attentat, l’assaut djihadiste du 7 mars dernier sur Ben Gardane, ville frontalière avec la Libye, fut une opération de guerre avec un objectif d’annexion territoriale. La cinquantaine d’assaillants a ciblé simultanément une caserne militaire, un poste de la garde nationale et un autre de la police. Le dernier bilan officiel indique que 49 terroristes ont été tués ainsi que 13 membres des forces de sécurité et 7 civils, tous originaires de la ville.
Les membres du commando, pour la plupart identifiés, sont tous tunisiens. Sans doute affiliés à l’« EI », venus de la Libye voisine, ou surgis de cellules dormantes, nombreuses dans une région truffée de caches d’armes. L’armée déployée en force continue d’en découvrir. Plusieurs sources concordantes confirment la découverte de véritables arsenaux aux alentours de Ben Gardane.
La résistance civile
C’est désormais établi : l’objectif des djihadistes était de prendre la ville et de soumettre ses habitants, comme à Mossoul (Irak) et à Raqqa (Syrie). Un scénario de guerre offensive. La mise en échec in extremis de la tentative d’annexion est officiellement attribuée à l’efficacité des forces armées. «Pas seulement», objecte Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire (FP, gauche) et candidat à la présidentielle en décembre 2014. «L’attitude des habitants a été décisive. Ils n’ont pas suivi les appels des djihadistes et ont aussitôt prêté main-forte aux forces de sécurité en leur apportant des renseignements», rappelle-t-il. La mobilisation de la société civile, des forces démocratiques, du syndicat UGTT est, selon lui, le facteur clé de la «résistance de la Tunisie au terrorisme islamiste».
Le pays n’en reste pas moins le maillon faible du Maghreb face à la menace. Les troupes de l’«EI» ont solidement pris pied en Libye, dans des zones proches de la frontière. Des milliers de jeunes Tunisiens ont rejoint les rangs des djihadistes. Et le pouvoir en place se montre incapable d’une riposte cohérente.
«La lutte contre le terrorisme passe par une stratégie globale qui tient compte des facteurs économiques, sociaux, culturels, religieux, sécuritaires et aussi diplomatiques. On ne peut pas prétendre combattre les terroristes alors que l’on tend la main à l’Arabie saoudite, au Qatar, à la Turquie», explique H.Hammami dont le parti réclame un «congrès national» pour tirer «un bilan de la lutte antiterroriste».
Piégée par l’immobilisme
La partie n’est pas gagnée. L’alliance islamo-libérale qui se confirme fait barrage à cette entreprise car elle dévoilerait des responsabilités. «À l’époque de la troïka dirigée par Ennahdha, c’était le gouvernement lui-même qui encourageait les jeunes à aller vers la Syrie et c’est en ce temps-là que des cheikhs wahhabites étaient invités pour tenir des discours qui divisent les Tunisiens. De plus, les islamistes ont largement pénétré les institutions : l’intérieur, l’armée, la police, la justice », dénonce le leader du FP.
Le terrain est ainsi miné. Et la jeunesse, surtout piégée par l’immobilisme des gouvernements successifs. «Ils se sont contentés de reconduire le modèle économique de Ben Ali, avec moins de compétences. Le taux de chômage avoisine les 20%, les services publics s’effondrent, l’économie parallèle représente 52 % du PIB, les riches se sont encore enrichis et les mafieux prospèrent», résume Hamma Hammami. «Pour lutter contre le terrorisme, il faut construire les bases d’une réelle République démocratique.» Le combat inachevé de la société civile tunisienne, plus que jamais sous une double menace.