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Algérie: Cheikh Sidi Bémol à propos du décès de Jillali Raina raï: "L’Etat algérien n’aime pas les artistes..."

Le décès de Jillali Rezkallah, l’ex-chanteur du groupe Raina Rai, survenu samedi 6 novembre 2010 à Sidi Bel Abbès (Algérie) a suscité une émotion très vive en Algérie. Le milieu artistique est particulièrement touché par les épreuves très dures que Djillali a dû traverser à cause de la maladie très grave contre laquelle il a lutté avec courage mais aussi à cause d'une détresse matérielle et d'une précarité très révélatrices du sort réservé aux artistes algériens par les les pouvoirs publics censés garantir leur droits et leur protection. Le chanteur algérien Cheik Sidi Bémol s'exprime à ce sujet.

Médi@terranée: Peux-tu nous parler de sa chanson la plus célèbre Y a zina, reprise en chœur par des générations d'Algériens et d'Algériennes qui ont vibré au rythme des karkabou et de la chorégraphie de cette danse populaire introduite en reine sur les scènes des concerts de Raina raï.?

Cheikh Sidi Bémol: Cette chanson est une révolution dans la musique algérienne. Raïna Raï, c’est tout un programme. C’est un groupe qui a rendu la liberté à notre musique. Et surtout, c’est un groupe qui nous a ouvert les oreilles, qui nous a révélé une nouvelle façon d’écouter et de penser notre patrimoine musical. Et avec « Zina » dès les premières notes de guitares on a compris que tout va être chamboulé. Tout est parfait dans cette chanson, la batterie, les guitares, le clavier, les voix, le texte, la musique. Tout est sincère. Tout est authentique. Tout est original.

Médi@terranée:
Un hymne à la beauté féminine et au rêve: par cette chanson ne fait-il pas surgir la spontanéité de l'émotion et la liberté du sentiment amoureux dans un contexte où l'extrémisme religieux s'emploie à décerveler les individus, et à leur faire haïr la liberté humaine?
Cheikh Sidi Bémol: A l’époque on pensait que cette chanson annonçait des lendemains radieux avec plus de liberté, plus d’amour, plus d’égalité entre hommes et femmes. Mais petit à petit les religieux ont pris le dessus et la bigoterie s’est installée partout. A l’époque j’étais à l’université de Bab Ezzouar (Alger) et il y avait déjà des sortes de miliciens barbus qui traquaient les couples et les musiciens à l’intérieur de la fac. A l’extérieur de la fac, les gendarmes prenaient le relais.

Médi@terranée:
On est frappé par le nombre de messages et d'appels à l'aide financière pour lui et sa famille, dans les médias et sur internet. Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour plonger un artiste algérien aussi populaire dans un tel dénuement et une telle détresse? Que peut-on en conclure de la condition de l'artiste en Algérie?
Cheikh Sidi Bémol: Ce qui se passe est une tragédie programmée. Djilali est un artiste habité par l’amour de la musique. Il a consacré sa vie à la culture de son pays. Mais, hélas, dans ce pays, l’artiste n’a aucun statut social, aucune reconnaissance de l'État. Quand il travaille, il le fait souvent gratuitement et si parfois il est payé, c’est au noir, comme un clandestin. L’artiste n’a pas de fiche de paie, pas de sécurité sociale, pas de retraite, pas de droits sociaux. Ses œuvres sont dupliquées sans vergogne et vendues par des petits trafiquants, dans l’indifférence générale. Voici la condition de l’artiste. Cet artiste qui crée des œuvres merveilleuses qui font connaître notre culture dans le monde entier. Ce petit bonhomme plein d’énergie qui tournoie sur scène, qui chante et qui fait danser la foule avec ses qarqabous enflammés et son sourire radieux. Ce génie de la joie et du bonheur finira seul et abandonné. Tel est le destin que lui réserve son pays. Car l'État algérien n’aime pas les artistes, il les tolère à peine. Qu’ils se débattent dans la précarité et la misère, qu’ils agonisent lentement dans d’affreuses souffrances, qu’ils soient obligés de s’exiler, ou d’interrompre leur carrière, tout cela n’émeut guère les responsables de la culture. Peut-être même que tout ça les arrange, peut-être bien que les seuls artistes qu’ils apprécient sont les artistes morts.

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