Algérie - Culture: Les artistes continuent de réagir après la disparition de Jillali Raïna raï
Après le décès de Jillali Raina raï , Karim Derrag, guitariste du groupe Castigroove, et Farid Bouchama, artiste peintre -musicien, batteur du groupe Index nous font part de leur émotion.
Médi@terranée: Quelle image garderez-vous de Djilali et de son œuvre ?
-Farid Bouchama: Incontestablement le joyeux chanteur de « Ya Zina » avec ses karkabous sur scène. C’est tout un pan de l’histoire de la musique contemporaine algérienne, c’est aussi l’époque de tout les espoirs d’une jeunesse qui n’aspirait qu’à vivre comme tous les jeunes du monde…
Mais comme une peau de chagrin, nos espoirs se sont dissous, floués par les incompétences et les calculs mercantiles de nos politiciens.
Mais l’œuvre de nos artistes reste intacte. Hasni, Djillali resteront contre vents et marées des symboles de fierté d’une identité algérienne et aucune idéologie ne pourra contenir cela.
-Karim Derrag: Même si malheureusement je n'ai pas eu la chance de le connaitre personnellement, l'image que je garderai et qui reste gravée dans ma mémoire de Djillali allah yerahmou, est celle que je regardais jeune sur Bled music, son sourire, sa joie et son énergie sur scène, il fut un personnage emblématique de la chanson populaire algérienne, même si ses œuvres ne se résument pas là, mais a titre d'exemple Zina reste une chanson culte et à la page sur toutes les bouches algériennes, il été un porte-parole sincère de la jeunesse algérienne.
Médi@terranée: Que penses- tu de l'élan de solidarité qui est né suite d'abord à la maladie de Djilali puis à son décès ?
-Farid Bouchama: L’Algérien est connu pour son esprit solidaire. C’est désarmant de voir son prochain dans la détresse et le dénuement. L’élan de solidarité était impressionnant et la sincérité des uns et des autres fut et reste encore d’un humanisme extraordinaire. Mais ce qui m’impressionne le plus c’est que, encore une fois, à chaque drame que ce soit pour un décès, une maladie ou une catastrophe naturelle c’est « le petit peuple » qui prend en charge la situation … le petit peuple possède, heureusement, un bien grand cœur. Et cela démontre aussi que, comme d’habitude, les institutions ne jouent pas leurs rôles. Et dire que si Djilali Allah yarhmou touchait des royalties pour ces œuvres, il n’aurait jamais connu cette fin tragique… Merci l’ONDA!
-Karim Derrag: Ce dont je sûr à cet instant c'est que la famille du défunt Djillali est dans le besoin, et n'a rien désormais pour faire face à ses besoins les plus élémentaires, ni paie, ni retraite ni couverture sociale. C'est pourquoi je relance l'appel de Kamel Dynamite, il faut aider concrètement la famille de Djillali. Djillali a fait entrer la joie dans nos cœurs, aidons sa famille pour qu'elle vive dans la dignité.
Médi@terranée: Les conditions du décès de Djilali posent plus globalement le problème du statut des artistes en Algérie. Quel est votre avis à ce sujet ?
-Farid Bouchama: En fait, chez nous, il existe deux formules pour les artistes, l’artiste engagé dans son œuvre avec tout ce que cela implique comme sacrifices et contraintes. Et l’artiste de service. Le premier est marginalisé pour son franc-parler car, inévitablement, il pose problème. Et le second est bien loti puisque c’est le bouffon de sa majesté. Je ne pense pas qu’on s’intéresse aux bons artistes sauf, parfois, pour des événements bien limités dans le temps, comme le Panaf par exemple. Beaucoup d’argent, beaucoup de bruit et puis plus rien … circulez y’a rien à voir ! Ce qu'il faut, c’est une décision politique d’envergure, tout le reste n’est que paroles en l’air malheureusement, juste des discours de circonstances.
Karim Derrag: Le décès de Djillali est un point noir à ajouter aux autres précédents. Mon avis sur ce sujet est l'avis de tous les artistes: l'art est un métier, qu'on le veuille ou pas, et ce statut est la seule et unique assurance pour garantir la continuité d'une vie artistique et culturelle au pays, et permettre à nos artistes et leurs familles de vivre dignement et d'avoir les périodes difficiles.
Médi@terranée: Le mot de la fin ...?
-Farid Bouchama: J’espère de tout cœur que la famille de Djilali Allah yerhmou, pourront se remettre du drame et que ses enfants parviendront à retrouver la stabilité. Nos artistes doivent rester solidaires en ces temps incertains. Et comme le dit Khalil Gibran : "Fiez-vous aux rêves car en eux est cachée la porte de l'éternité."
-Karim Derrag: Que dire d'autre sinon qu'un autre enfant parmi ceux que l'Algérie regrettera nous a quitté à jamais et dans le silence. Un artiste mort n'a rien a faire de nos hommages ...