Said Sadi : l'Algérie mérite autre chose que la présidence à vie à laquelle on la soumet.
Le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) répond aux questions de Médiaterranée. Said Sadi s’exprime au sujet des derniers développements en Amérique et à Gaza. Il revient également sur la situation en Algérie, sur le rôle de l'armée et sur la récente position de son parti: rejet du processus électoral doublé du gel de ses activités officielles durant toute la campagne. Entretien.
_. Avant tout, la question d'actualité qui s'impose: comment percevez vous l'arrivée au pouvoir de Barack Obama?
On peut en retenir, je crois trois aspects. Symbolique, culturel et politique.
S'agissant de la dimension symbolique, tout le monde s'accorde à dire que l'arrivée d'un Noir à la Maison Blanche représente une évolution qui n'a pas fini de marquer la perception que la collectivité américaine a d'elle-même ainsi que la façon dont le monde regardait l'Amérique. Cette dimension subjective aura des incidences importantes à bien des égards.
Bush et Obama sont très différents culturellement. Leurs origines, leurs parcours et, au final, leurs conceptions de la vie n'est pas la même. Cela aura aussi, à terme, des conséquences sur la décision politique.
Mais dans l'immédiat, l'administration ayant un rôle majeur aux USA, notamment en matière de politique étrangère, il ne faudra pas, du moins je le pense, attendre des mesures spectaculaires sur les grandes orientations américaines.
Vous savez, j'ai entendu pour la première fois Obama en 2004 à Boston lors de la convention des démocrates à laquelle j'étais invité. Son charisme ne l'empêche pas d'être pragmatique.
_.Restons sur le plan international. Quelle analyse faites vous des derniers développements au Proche-Orient après le cessez le feu sur la bande de Gaza.
Le cessez le feu est bienvenu. Des innocents, parmi lesquels une majorité de femmes et d'enfants vont survivre à l'horreur. Mais sur le fond beaucoup reste à faire. Là aussi il faut distinguer diverses positions pour mieux cerner l'ensemble de la problématique régionale.
Il y a Israël qui semble se complaire dans une certaine suffisance en recourant encore et toujours à la violence. Les derniers massacres, il n'y a pas d'autres termes, laisseront des traces sur la scène internationale y compris chez les plus laxistes.
Sur la scène palestinienne, les choses risquent de se compliquer. Le Hamas, encouragé par des acteurs de la région, peut se laisser tenter par une rupture politique, voire territoriale et se poser comme une entité indépendante de l'OLP.
Cette situation aurait des conséquences terribles pour le peuple palestinien. S'il faut rappeler le discrédit du Fatah, dû au comportement prédateur de certains de ses responsables, qui a provoqué une adhésion -de mon point de vue conjoncturelle- à Hamas ( nous avons connu cela en Algérie ), nous ne devons pas oublier que l'émergence de ce mouvement fut à l'origine Israël.
Il y a comme un décalage israélien qui consiste à intervenir toujours en retard sur les évènements et cela ne facilite pas la tâche de l'Autorité palestinienne.
Enfin il faut considérer les acteurs régionaux. Nous constatons malheureusement que la question palestinienne est trop souvent sujette aux enjeux internes des régimes et le pouvoir algérien vient d'en donner une fois de plus la preuve. Le RCD a été la seule instance algérienne à avoir reçu l'ambassadeur de Palestine à Alger. Les autorités officielles ont préféré célébrer le représentant du Hamas, espérant impliquer la mouvance islamiste algérienne dans une élection présidentielle rejetée par l'opinion.
Dis d'un mot les Palestiniens continueront de subir, pour plusieurs raisons, l'absence de démocratie des régimes périphériques.
S'il fallait absolument cultiver une lueur d'espoir, c'est dans une certaine lucidité de la communauté internationale qui commence timidement à admettre que l'impunité dont bénéficie Israël est une des causes essentielles du conflit. Il faudra donc que les questions des colonies, de l'eau et des réfugiés soient enfin mises à plat et débattues sérieusement.
_.S'agissant de la situation en Algérie, la décision de non-participation du RCD aux prochaines présidentielles, est-elle le signe d'une radicalisation en opposition au pouvoir?
Le RCD a une fois pour toutes choisi le combat pacifique. Il n'y a donc pas de surenchère en matière de positionnement. Il reste que le coup d'Etat du 12 novembre, qui ne fut d'ailleurs condamné que par le RCD au parlement, crée une situation inédite dans le pays.
Les conséquences de ce coup de force n'ont pas tardé à se manifester contre l'opposition et plus particulièrement contre notre parti: licenciements de militants, destitution illégale de nos élus, annulations d'activités du parti...Le rejet de ce processus électoral doublé, d'ailleurs en ce qui nous concerne du gel nos activités officielles pendant toute la campagne, est une position naturellement inscrite dans la condamnation d'une révision de la constitution humiliant l'Algérie qui mérite autre chose que la présidence à vie à laquelle on la soumet.
_.La constitution d'un front de l'opposition démocratique aux partis dits de la "coalition présidentielle" vous semble-t-elle envisageable et réaliste ?
Une clarification s'impose. Opposition démocratique veut dire alternative au système en place. Or dans notre pays des acteurs politiques et sociaux se revendiquant de la démocratie sont parties prenantes des compétitions claniques; chacun vantant son parrain. Ces catégories sont des clientèles du système et ne peuvent pas être mobilisées dans une alternative.
Mais une fois ce préalable posé, toute force politique et sociale organisée ou non doit être sollicitée.
_.Le poids de l'armée dans le contexte politique algérien semble être vécu comme une fatalité. Est-il à ce point incontournable ?
L'armée algérienne a pesé sur le destin du pays depuis l'assassinat de Abane en 1957. Aujourd'hui, le régime connaît une certaine dispersion dans ses différents segments. On assiste à un passage d'un régime militaire vers une reconfiguration policière.
L'armée ne peut plus imposer ses vues au pays. Elle peut contrarier les initiatives en faveur du changement; c'est à dire en retarder ou en compromettre les expressions ordonnées et contribuer volontairement ou non à une évolution chaotique.
C'est pour cela que nous devons clarifier nos positions si on veut peser au mieux et au plus vite sur un climat politique particulièrement tendu.
Propos recueillis par Médiaterranée