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Une poétesse âgée de 70 ans surprend les critiques tunisiens

Une Tunisienne a étonné sa famille et ses amis en osant sortir de son milieu conservateur et entrer dans le monde de l'amour passionné – sous la forme poétique. Depuis sa sortie en août, "Diwan Al-Shajara" n'a pas cessé d'étonner les milieux littéraires tunisiens.

Cette nouvelle poétesse, Jannet El-Boukhari, est âgée de 70 ans. "Je ne m'attendais pas à ce que ma première tentative d'écriture connaisse autant de succès", a expliqué ce nouveau phénomène littéraire à Magharebia.

"Mon but était d'envoyer à ma famille un message pour leur dire : vous avez passé toutes les étapes de votre éducation, et j'ai été là pour vous aider durant tout ce chemin. Maintenant, c'est à mon tour de vous prouver que moi aussi, je suis capable de connaître la réussite."

Jannet n'a bénéficié d'aucune éducation formelle. Elle n'a même jamais fréquenté l'école primaire. A la place, elle a choisi de s'occuper de ses cinq enfants. Et elle n'a eu de cesse de le faire jusqu'à ce qu'ils obtiennent leurs diplômes universitaires.

Le romancier Hassen Ben Othmane l'a encouragée à faire une compilation de ses poèmes et à les publier sous forme d'anthologie "C'est une femme qui a su défier le temps", a-t-il expliqué à Magharebia. Elle était là quand la société était encore conservatrice, et lorsqu'elle a connu un renouveau dans ses valeurs communautaires.

Dans l'un de ses poèmes, elle se décrit elle-même sur le ton de la plaisanterie : "Le cœur de mon âme/Je me suis bâti ma propre histoire/Ibn Khaldoun ne me connaît pas/Je viens d'une époque révolue…'"

"Dans sa jeunesse, elle était une femme rurale. Aujourd'hui, elle s'est urbanisée. Elle habite dans les faubourgs de Tunis, avec son mari retraité, ancien professeur d'école primaire avant l'indépendance", explique ben Othmane.

"A soixante ans, et après que ses enfants eurent terminé leur éducation et eurent entamé des carrières prometteuses, elle s'est impliquée dans des ONG et des activités culturelles."

Son fils, Nizar, a expliqué à Magharebia qu'il l'avait encouragée à rassembler cette anthologie. "Mais sa capacité à prendre soin de nous et en même temps à composer de la poésie est ce qui m'a vraiment étonné. Je l'ai appris de manière totalement fortuite. Elle avait pour habitude de cacher les petits bouts de papier sur lesquels elle écrivait ses poèmes dans un cabinet fermé, comme si c'était un grand secret", explique-t-il.

"Que nous le voulions ou non, cette anthologie nous ramène aux matrices ; la matrice des mères ou celle de la terre, où il n'y a ni riches ni pauvres", a écrit Mouhcine

Zoughlami, critique littéraire au journal Al-Sabah, dans la préface de cette anthologie. "C'est comme s'il s'agissait de la compilation d'une vie doublée, une compilation des enfants et des adultes, avec tout le sérieux et la moquerie que cela implique", écrit-il.

"C'est comme si nous étions adultes et n'avions jamais réalisé que nous avons été des enfants." Et Zouglami d'ajouter : "C'est un langage qui n'a pas encore reconnu la signification d'être adulte ou enfant. Que lui revienne à elle, Jannet el-Boukhari, qui nous rappelle tout cela, le cadeau des adultes et des enfants."

La poésie n'a pas été le seul défi que Jannet a choisi de relever. Lorsqu'elle avait soixante ans, elle a insisté pour passer son permis de conduire, pour montrer à tous qu'elle est une femme qui défie l'impossible.

A la fin de l'année 2000, son fils Taher a acheté une nouvelle voiture. Lorsqu'il est rentré à la maison, il a suggéré que son père et sa mère apprennent à conduire, afin de pouvoir profiter de cette nouvelle voiture. La réponse de son père a été décevante : "Votre mère et moi sommes trop vieux pour apprendre à conduire."

Quelques mois plus tard, la vieille mère de Taher est rentrée avec un morceau de papier plié dans les mains. Elle le lui a donné et lui a demandé de le lire. Son fils en a été abasourdi. C'était un permis délivré par une école de conduite.

Jannet l'avait réussi du premier coup. Sa fille, professeur de physiques à l'université, avait dû s'y reprendre à quatre fois avant de décrocher ce précieux papier.

Malgré son sérieux et son âge avancé, ce nouveau phénomène littéraire tunisien s'exprime comme si elle était encore une enfant, avec toute sa spontanéité.

"Au final, je suis heureuse de ce que j'ai fait", a expliqué Jannet à Magharebia pour conclure. "Je suis la preuve bien réelle que l'âme humaine ne renonce jamais à la créativité."

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