Sur six millions de jeunes actifs, un million est au chômage... (DR)

France : les pouvoirs publics confrontés à la paupérisation croissante de la jeunesse

Le premier rapport de l'Observatoire de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), qui sera présenté mardi 4 décembre, lors de rencontres organisées au Conseil économique, social et environnemental, dresse un triste tableau de la situation de la jeunesse en France.

Selon ce rapport les jeunes représentent 22 % de la population active mais 40 % des chômeurs. Sur six millions de jeunes actifs, un million est au chômage. L'augmentation du chômage de longue durée est particulièrement préoccupante chez ces jeunes (+ 5,6 % entre 2008 et 2010).

Dans une interview publiée lundi 3 décembre le journal Le Monde recueille le point de vue du sociologue Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS, qui préside le conseil scientifique de l'Injep, à propos des conclusions du rapport.

Le chercheur qui ne croit pas à la théorie de la «génération sacrifiée », estime que « Les jeunes ne se sentent pas discriminés en tant que génération. Sans doute parce qu'existent de très fortes solidarités intergénérationnelles informelles à l'intérieur des familles - ce qui renforce les inégalités entre jeunes selon qu'ils peuvent, ou non, être aidés.»

Olivier Galland insiste sur l’écart entre diplômés et non diplômes.

« Selon les chiffres Insee cités dans le rapport, le taux de chômage (2011) des 15-29 ans est de 9 % pour les diplômés du supérieur, de 22 % pour les titulaires d'un bac, CAP ou BEP. Mais de 46 % pour les non-diplômés. Le taux de pauvreté (disposer de revenus inférieurs à 964 euros mensuels, en 2010) est de 30 % pour les non-diplômés, contre 10 % pour les diplômés du supérieur», indique-t-il.

« Au total, plus d'un million de jeunes sont confrontés à une situation de grande précarité. Nous assistons à un renversement historique de tendance: les jeunes sont désormais davantage touchés par la pauvreté que les vieux. Encore plus préoccupant: le taux d'extrême pauvreté (avec des revenus inférieurs à 40% du niveau de vie médian) s'est accru de 38% entre2007 et 2009», poursuit le sociologue.

Le diplôme reste dans tous les cas le bouclier indispensable contre le chômage, sachant que 80% des diplômés parviennent à décrocher un CDI entre 25 et 30 ans.

« Contrairement à il y a vingt ans, on ne peut plus s'en sortir sans diplôme parce que la structure des emplois se déforme vers le haut », précise le chercheur, expliquant que la société française plutôt « statutaire » fonde « le classement social sur le classement scolaire ».

Selon le sociologue, « ce système fait des dégâts considérables chez ceux qui sont éliminés, et qui souvent ne réussissent pas ensuite aux niveaux inférieurs du système éducatif. »

Ces derniers (environ 140 000 jeunes chaque année) appartiennent sans surprise « massivement aux classes sociales les moins favorisées, sont souvent issus de l'immigration et résidents de zones urbaines sensibles. »

S’agissant des politiques publiques qui pourraient freiner cette inquiétante paupérisation d’une grande partie de la jeunesse, le rapport appelle une « réforme profonde du système éducatif et de protection sociale.»

« Il faudrait proposer à ces jeunes des formations de longue durée assorties d'une allocation et d'un étroit suivi personnalisé, proche du coaching, afin de tisser un lien de confiance » explique Olivier Galland.

« Nos études montrent qu'ils (les jeunes chômeurs) ressentent un grand sentiment d'abandon et d'amertume vis-à-vis des promesses de la République. Tous les ingrédients sont là pour que cela explose de nouveau, comme en 2005 », conclu-t-il.