Maroc : Répression violente lors des rassemblements de protestation à la libération d’un pédophile
Par jcsPublié le
La décision du roi Mohamed VI d’accorder sa grâce à un pédophile espagnol lourdement condamné continue de faire scandale au Maroc. Hier, des rassemblements de protestation à cette grâce ont été violemment réprimées dans plusieurs villes du pays.
Le sit-in était annoncé sur Facebook. Il devait avoir lieu à partir de 22h devant le parlement à Rabat. Le but de cette mobilisation pacifique était de dénoncer la grâce royale accordée à un pédophile espagnol condamné en 2011 à trente ans de réclusion.
Dans d’autres villes du pays, des rassemblements étaient également prévus. Mais à Rabat, comme ailleurs, les forces de l’ordre ont fait en sorte d’interdire tout attroupement.
Les événements ont rapidement dégénéré, notamment dans la capitale, où après avoir quadrillé les rues, la police a violemment chargé les quelques centaines de personnes qui tentaient d’occuper la place.
Dispersés à coups de matraque, les manifestants, ont toutefois tenté de résister pacifiquement. La police n’a fait preuve d’aucun ménagement, et de nombreuses personnes, dont des journalistes, ont été arrêtées, tabassées puis relâchées. Parmi les journalistes, certains ont eu leur matériel détruit ou volé.
La violence de la répression est assez troublante. Il apparaît avant tout que les autorités marocaines ont tenu à marquer les esprits. Il n’est pas question dans le pays de remettre en cause une décision du roi, et ceux qui l’osent en payent le prix.
Mais sur le sujet de la pédophilie, particulièrement sensible au Maroc, tant les affaires y sont nombreuses, il semble que le peuple soit décidé à passer outre. Sur Twitter, et les réseaux sociaux, l’indignation était à son paroxysme hier soir et cette nuit. Certains n’hésitaient pas à dénoncer le silence des médias officiels, qui n’ont pas relayé les événements.
Le régime a en tout cas montré à quel point la liberté d’expression, et la liberté tout court, restaient très relatives dans le pays. Et le roi a quant à lui peut-être fait preuve d’une certaine faiblesse. Il ne pouvait ignorer que la libération de cet individu provoquerait des remous dans le pays. Pourquoi alors lui avoir accordé sa grâce, même s’il ne pouvait imaginer que les réactions populaires seraient telles ?
Les services secrets en toile de fond ?
Bien que les autorités marocaines et espagnoles le nient, il est possible que l’Espagne ait demandé la libération du pédophile et que le roi ait accédé à cette requête. Pour quelles raisons ?
Le média en ligne Lakome, en avance une, qui peut sembler étonnante. Mais la décision de libérer cet homme est en soi tellement surprenante, que l’on peut bien admettre que le motif de cette libération le soit encore plus.
L’homme en question, connu sous le nom de Daniel Galvan, serait d’origine irakienne. Il aurait été, selon Lakome, libéré sous l’insistance des services de renseignements espagnols.
Il serait en fait un agent irakien, exfiltré d’Irak en 2003-2004, au moment de l’intervention américaine. C’est à cette période qu’il s’installe au Maroc, ce qui pourrait représenter une manière de le “récompenser” de sa collaboration avec les services secrets de la coalition.
Cette thèse est étayée notamment par le fait que l’homme, supposé avoir quitté l’Irak en 1984 pour devenir professeur à Murcie, en Espagne, n’a laissé aucune trace de son passage dans les universités de la région.
Un journaliste d’El Pais, qui a enquêté sur le sujet, n’a trouvé aucun Daniel Galvan ayant enseigné à Murcie ou les environs. Ce nom pourrait donc être une fausse identité attribuée par les services secrets espagnols après son arrivée au Maroc en 2003-2004.
Quels que soient la véritable identité de cet homme et son passé, d’agent secret ou non, les actes pédophiles qu’il a commis sont avérés. Sa condamnation à trente ans de prison l’était aussi.
Sa libération, et sa grâce totale (il n’exécutera pas la fin de sa peine en Espagne) ont mis le Maroc en ébullition. Et des hommes et des femmes ont payé avec leur sang la libération prématurée d’un criminel.