Le feuilleton Depardieu ou une triste histoire de poupées russes
Par nicolas éthèvePublié le
Dans une lettre diffusée intégralement par la chaîne de télévision russe Pervyi Kanal, l'acteur français explique avoir demandé formellement un passeport russe et se réjouit de son obtention en qualifiant la Russie de « grande démocratie ». Les critiques fusent de toutes parts.
Sur fond d'exil fiscal et de conflits d'orgueil avec Jean-Marc Ayrault, le premier ministre du gouvernement français, le feuilleton Depardieu se poursuit, désormais dans la plus pure tradition des poupées russes, chaque nouvelle matriochka ouverte en dévoilant une infinité d'autres ! Dernier grand épisode en date : le décret promulgué hier par Vladinir Poutine pour octroyer un passeport russe au célèbre acteur français à la renommée internationale qui pensait d'abord s'expatrier en Belgique. Depuis cet acte politique, tout le monde attendait de connaître la réponse de l'acteur d'Obélix dans Astérix. Et beaucoup espérait que Gérard Depardieu refuserait poliment cette nouvelle citoyenneté offerte par un dirigeant malheureusement peu connu pour ses vertus démocratiques...
Alea jacta est
Ce ne fut pas le cas : dans une lettre diffusée intégralement par la chaîne de télévision russe Pervyi Kanal, l'acteur français explique avoir demandé formellement un passeport russe et se réjouit de son obtention.
Voici la lettre de Gérard Depardieu :
"Oui, j'ai fait cette demande de passeport et j'ai le plaisir qu'elle ait été acceptée. J'adore votre pays la Russie, ses hommes, son histoire, ses écrivains. J'aime y faire des films où j'aime tourner avec vos acteurs comme Vladimir Mashkov. J'adore votre culture, votre intelligence. Mon père était un communiste de l'époque, il écoutait Radio Moscou ! C'est aussi cela, ma culture. En Russie, il y fait bon vivre. Pas forcément à Moscou, qui est une mégapole trop grande pour moi. Je préfère la campagne, et je connais des endroits merveilleux en Russie. Par exemple, il y a un endroit que j'aime, où se trouve le Gosfilmofond dirigé par mon ami Nikolai Borodachev. Au bord des forêts de bouleaux, je m'y sens bien. Et je vais apprendre le russe. J'en ai même parlé à mon Président, François Hollande. Je lui ai dit tout cela. Il sait que j'aime beaucoup votre Président Vladimir Poutine et que c'est réciproque. Et je lui ai dit que la Russie était une grande démocratie, et que ce n'était pas un pays où un premier ministre traitait un citoyen de minable. J'aime bien la presse, mais c'est aussi très ennuyeux, car il y a trop souvent une pensée unique. Par respect pour votre président, et pour votre grand pays, je n'ai donc rien à ajouter. Si je veux ajouter encore sur la Russie, une prose qui me vient à l'esprit... Que dans un pays aussi grand on n'est jamais seul, car chaque arbre, chaque paysage portent en nous un espoir. Il n'y a pas de mesquinerie en Russie, il n'y a que des grands sentiments. Et derrière ces sentiments beaucoup de pudeur. Dans votre immensité, je ne me sens jamais seul, Slava Rossii !! (Gloire à la Russie !!) Spasibo !" (Merci !)".
« Une grande démocratie »
Depuis cette lettre, où Gérard Depardieu écrit noir sur blanc que la Russie est « une grande démocratie », les réactions, massivement indignées, fusent de toutes parts, en France et en Russie, comme le rapporte Le Monde. Et pendant ce temps-là, deux membres des Pussy Riot (un groupe de punk rock féministe) sont toujours incarcérées dans un camp de travail en Russie... Une vraie histoire de poupées russes, ce feuilleton Depardieu !