A Cozzano, en Corse, le pari d’un "smart village" pour l’Université de Corse et le CNRS
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Le village de Cozzano est au cœur d’un projet expérimental de l’Université de Corse et du CNRS. Objectif : optimiser la gestion des ressources de cette petite commune rurale de Corse-du-Sud en mettant la recherche au service des acteurs locaux.
L’objectif est clair : faire de la commune de Cozzano un "village intelligent", connecté et durable au cœur même du monde rural. Depuis fin 2017, le projet mis en place et pensé par l’Université de Corse et le CNRS voit le jour progressivement dans le village de la haute vallée du Taravo, à 1h30 d’Ajaccio. Nom de code : "smart paesi". Une référence revendiquée au concept de "smart city" qui se développe à travers le monde dans des villes connectées et axées sur le développement durable. En s’inspirant de ce modèle, une équipe de chercheurs de l’Université de Corse et du CNRS a lancé une réflexion dans le contexte de la Corse. En toile de fond, une question : si dans quelques décennies 70% de la population mondiale se trouvera dans les villes, quel avenir y aura-t-il pour les territoires "non urbains" ? "Socialement et historiquement, le village a un poids important dans la vie des habitants de la Corse, explique Thierry Antoine-Santoni, maître de conférences en informatique, en charge du projet "smart paesi" à l’Université de Corse. Tenter une expérience de ce type dans l’île s’est donc imposé naturellement".
Pour relever le défi, Cozzano, petite commune de l’intérieur de l’île, a été sélectionnée pour faire cause commune avec l’Université de Corse / CNRS après avoir répondu à un appel à projets sur le numérique de la collectivité de Corse (via les fonds Feder) en partenariat avec EDF et la SITEC*. Le village du Haut-Taravo pouvait d’ailleurs compter sur de précieux atouts : depuis une vingtaine d’années, il s’inscrit avec ses quelque 300 habitants dans une dynamique très positive axée sur le développement durable qui le distingue. Bien que confrontée au handicap démographique et géographique, la commune a développé une chaufferie biomasse et des micro-centrales hydroélectriques en vue de devenir un territoire à énergie positive, en produisant davantage qu’il n’en consomme. Mais au-delà de ces infrastructures, contrairement à nombre de petites communes de l’intérieur, Cozzano dispose encore de services publics : une école avec une quarantaine d’élèves, une médiathèque, une crèche municipale, des logements sociaux ou encore un abattoir micro-régional.
En s’appuyant sur ces acquis, le village est désormais associé aux chercheurs de l’Université de Corse et du CNRS pour conduire des travaux en phase avec le développement du territoire. Objectif : "optimiser par la simulation la gestion des ressources en s’appuyant sur des infrastructures numériques à forte valeur ajoutée technologique au service de la population, dans une finalité de développement durable et d’amélioration des conditions de vie des habitants en leur apportant de réelles solutions", précise Thierry Antoine-Santoni, également vice-président de l’Université de Corse en charge du numérique. À Cozzano, les chercheurs ont fait de la dimension rurale le cœur de leur réflexion scientifique, en y impliquant les acteurs locaux. Un éleveur porcin installé sur la commune verra par exemple ses cochons équipés de capteurs afin de pouvoir identifier précisément leur parcours. "Au-delà de l’aspect pratique qui va optimiser les déplacements de l’éleveur, il va pouvoir disposer d’un relevé numérique avec des données précises dont il ne disposait pas, indique Thierry Antoine-Santoni, auteur d’une thèse en 2007 sur les capteurs de réseaux sans fil. Cela permettra de suivre le mode d’alimentation des cochons et leur parcours jusqu’à l’abattage pour en analyser l’impact sur la viande, donner un éclairage sur la traçabilité et optimiser de manière générale l’exploitation".
En parallèle, un safranier biologique, confronté à des impératifs dans la récolte en cas d’amplitude thermique importante entre le jour et la nuit, va être équipé de capteurs au sol. Le but : lui permettre de recueillir des données sur les moments les plus opportuns de la récolte, mais aussi, entre autres, sur les besoins en irrigation. Autre exemple : connectée, la petite caserne de pompiers de Cozzano pourra suivre ses hommes sur le terrain, et l’évolution de leur positionnement lors d’une intervention pour un feu de forêt. Bien entendu, la liste n’est pas exhaustive, la technologie pouvant se mettre au service d’autres acteurs dans nombre d’autres domaines ayant trait au monde rural. Du côté de la commune, le projet est d’ailleurs une aubaine. Le maire, Jean-Jacques Ciccolini, espère naturellement en bénéficier pour mieux faire face aux préoccupations de sa commune rurale : "Tous ces outils doivent nous aider à faciliter la vie au village et à le rendre attractif notamment au plan économique et environnemental, considère le maire. Depuis quelques années, Cozzano est l’un des rares villages corses de l’intérieur qui monte en puissance et inverse la tendance au niveau de la dynamique démographique". Nul doute qu’il finira également par devenir un village ultra-branché.