Algérie : Le professeur Pierre Chaulet, grande figure de la lutte anti-coloniale, s’en est allé
Par N.TPublié le
Pierre Chaulet est décédé vendredi 5 octobre à Montpellier, en Languedoc-Roussillon, dans le sud de la France, à l’âge de 82 ans. Sa dépouille sera rapatriée lundi 8 octobre à Alger. Il sera enterré mardi dans le carré chrétien du cimetière d'El Madania à Alger à proximité de la tombe d'Henri Maillot, militant communiste tué en 1956 par l’armée coloniale, comme il l’avait souhaité, selon ses proches.
Né le 27 mars 1930 à Alger, Pierre Chaulet fera le choix de l’opposition radicale au colonialisme et preuve d’un engagement professionnel exemplaire dans l’Algérie indépendante où il consacrera notamment toute son énergie et son savoir-faire à l’éradication de la tuberculose. Fonctionnaire de l'Etat algérien en qualité de professeur de médecine, il était expert de la tuberculose auprès de l'organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1981.
C'était un homme à principes, un juste qui a toujours défendu et exalté la dignité, a déclaré l'ancien Premier ministre algérien Rédha Malek qui fut l'un de ses compagnons de lutte, cité par l’AFP.
Pierre a effectué des opérations secrètes avec les combattants du FLN sous les ordres du révolutionnaire indépendantiste Abane Ramdane qu'il a sauvé de la mort, raconte M. Malek.
Si on parle de nationaliste d'une manière générale en Algérie, il faut parler de Pierre, car il a donné à cette idéologie une teinte démocratique, a affirmé pour sa part l'historien Mohamed Harbi, cité par l’AFP, qui a connu Chaulet en 1952 et milité avec lui.
Chaulet a été expulsé en France durant la guerre d'Algérie mais a réussi, avec sa femme Claudine qui avait également épousé la cause algérienne, à rejoindre le FLN en Tunisie où il a continué ses activités de résistant à la fois comme médecin et comme journaliste à El Moudjahid, publication du FLN.
Il est l'un des membres fondateurs de l'agence de presse algérienne APS, à Tunis en 1961.
Menacé de mort durant la décennie noire, il s’exile et revient dans son pays…
En Tunisie, nous nous sommes retrouvés au journal El Moudjahid avec Frantz Fanon. Parallèlement au travail de réflexion, il apportait une aide médicale, a indiqué M. Malek.
Pour la sociologue Fatma Oussedik, Pierre Chaulet, c'est l'Algérie riche et plurielle.
Il laisse une belle trace pour l'Algérie, c'est comme une belle comète qui est passée dans le ciel, a-t-elle dit à l'AFP.
Il laisse l'espoir d'une Algérie ouverte au monde, plus tolérante, accessible à ce qui n'est pas musulman, a déclaré M. Harbi en saluant un homme animé d'un sentiment d'égalité et surtout d'une volonté d'enracinement dans un pays qui était essentiellement musulman, lui étant chrétien.
Il a été élu vice-président de l'Observatoire national des droits de l'Homme (1992-1996), puis chargé de mission pour la santé auprès du chef du gouvernement (1992-1994).
Durant la décennie noire des années 90, il a été menacé de mort et forcé à un exil de plus de quatre ans. A son retour, il a apporté sa contribution d'expert OMS et de consultant en santé publique au ministère de la Santé et au Conseil national économique et social.
Il est l'auteur avec son épouse, qui a été professeur de sociologie à l'université d'Alger, d'un livre de mémoires: Le choix de l'Algérie: deux voix, une mémoire, publié en 2012.