France : le syndicat CGT sous le coup d'un acharnement répressif
Par hanlinPublié le
Selon la CGT, environ 1 000 membres syndiqués font face à des poursuites et des procédures disciplinaires pour avoir participé à des grèves lors du mouvement social contre la réforme des retraites.
La répression à leur encontre s'est intensifiée depuis 2016. Un syndicaliste témoigne : « La police est venue chez moi à 6 heures du matin. Ma femme et mes enfants étaient présents. Pendant ce temps, j'étais à Fos-sur-Mer pour participer à un piquet de grève. C'était une opération visant cinq militants de la CGT. »
Renaud, secrétaire général du syndicat CGT énergies de Marseille, est convoqué devant le tribunal correctionnel le 15 septembre, aux côtés de deux autres militants de la fédération.
Leur crime présumé ? Avoir retiré des cartes SIM des compteurs Linky, ce qui a empêché Enedis d'effectuer des coupures de courant à distance, notamment pour des impayés. Une enquête a été ouverte suite à un signalement du gestionnaire du réseau de distribution d'électricité.
« La police a perquisitionné chez moi, avec la mobilisation de 20 agents au total »
« Nous restituons les cartes SIM, tout comme les clés des véhicules de service que nous pouvons retenir temporairement. Il n'y a jamais de vol », déclare Laurence Casasreales, responsable des questions de répression à la FNME (fédération nationale mines énergies).
Renaud déplore les conséquences médiatiques de son action : « La police a perquisitionné chez moi, avec la mobilisation de 20 agents au total, ce qui est totalement disproportionné. On arrête des trafiquants de drogue ou des assassins à 6 heures du matin, pas des syndicalistes. »
En raison d'un contrôle judiciaire, le syndicaliste a dû payer une caution de 5 000 euros et est interdit de se rendre sur les sites d'Enedis.
À Bordeaux, deux autres militants de la FNME seront traduits devant le tribunal correctionnel le 21 novembre pour des accusations de réduction de consommation d'énergie. La CGT paie un lourd tribut en matière de répression antisyndicale.
Selon Céline Verzeletti, près de 1 000 membres de la CGT font l'objet de licenciements, de sanctions disciplinaires ou de poursuites judiciaires.
La loi travail et les ordonnances Macron
La secrétaire confédérale chargée des discriminations syndicales souligne qu'un tournant a été amorcé entre 2016 et 2017, avec la loi travail et les ordonnances de Macron.
« Nous constatons une tendance à cibler les responsables syndicaux, en particulier ceux de nos unions départementales (UD). Cette répression ne se limite plus aux lieux de travail, mais se traduit également par des procédures judiciaires. La convocation de Sébastien Menesplier marque une nouvelle étape. », explique-t-elle.
L'UD CGT des Pyrénées-Orientales a d'ailleurs mis en place un comité départemental de lutte contre la répression, réunissant syndicats, associations et partis politiques. Une dizaine de cas ont été identifiés, certains dans de petites entreprises où il est plus difficile de se faire entendre.
La Poste reste un exemple emblématique de répression. Dès le 21 mars, après une assemblée générale, les employés du centre de tri de Perpignan ont organisé un piquet de grève appelé la « Barricada 840 ».
Les grévistes ont bloqué l'activité des camions et ont mis en place des barrages filtrants pour les salariés. Le 29 mars, cinq militants de la CGT et un de SUD PTT ont reçu des assignations à comparaître pour "entrave à la liberté de travail".
Répression interne dans les entreprises
Karine Tartas, responsable du dossier à l'UD, souligne que la répression ne se limite pas aux poursuites pénales, mais se manifeste également en interne dans les entreprises. Un militant de la CGT, contractuel, a ainsi été blâmé après un entretien préalable à licenciement qui a eu lieu en juin.
Par ailleurs, Alexandre Pignon, secrétaire général de la CGT Poste 66, a été suspendu pendant vingt-quatre mois, dont dix-huit fermes, en août.
Dans cette vague de répression, les plaintes individuelles semblent être une nouvelle stratégie employée par les employeurs. Cette dynamique était déjà à l'œuvre avant le mouvement social, comme à Orléans où Sylvie Bertuit, secrétaire de la CGT santé du Loiret, a été reconnue coupable de diffamation par le tribunal correctionnel le 6 juillet dernier.
Elle a écopé d'une amende avec sursis de 2 500 euros pour un tract intitulé : « L’Ehpad d’Outarville prend l’eau et coule, les salariés maltraités prennent la fuite. »
Sylvie Bertuit explique : « La direction ne pouvait pas attaquer le syndicat pour diffamation, alors elle s'en est pris à moi personnellement. »
Ces poursuites ne se limitent pas au mouvement contre la réforme des retraites. Dans les Deux-Sèvres, David Bodin, secrétaire de l'UD CGT, comparaîtra ce vendredi 8 septembre aux côtés de six autres personnes pour "organisation d'une manifestation interdite" à Sainte-Soline, contre les méga-bassines.
Le syndicaliste déplore : « Notre crime est d'avoir pris la parole lors d'une conférence de presse, après les annonces de la préfecture. »