Méditations méditerranéennes, 20ème édition des Rencontres d'Averroès
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« Penser la Méditerranée au XXIe s. », c'est autour de cette thématique et sous la houlette de Thierry Fabre, leur créateur, et de l'Espace Culture de Marseille, leur producteur et organisateur, que les 20èmes Rencontres d'Averroès ont réuni un public nombreux et attentif du 28 novembre au 1er décembre à l'auditorium du parc Chanot à Marseille.
Comme ils en ont pris l'habitude, les participants ont pu non seulement écouter de brillants intervenants apporter leur contribution aux débats proposés mais également assister à diverses représentations artistiques de qualité.
L'avenir de la Méditerranée en question(s)
Au menu cette année, pas moins de cinq conférences et tables rondes pour tenter d'appréhender en autant de questions ce que pourrait être la Méditerranée au XXIe s.
Athènes, Cordoue, Jérusalem, qu'est-ce que nous ont transmis, et sous quelle forme, ces creusets de culture, ces lieux où une tradition morale et spirituelle s'est constituée ? C'est en se demandant quelle conscience a aujourd'hui l'Europe de son patrimoine gréco-latin, andalou et judéo-arabe que le philosophe et historien Alain de Libéra a introduit ces Rencontres.
A quoi ces « siècles pénibles et douloureux [qui] s'écoulèrent avant qu'une fusion s'accomplît », comme l'écrivait le géographe Paul Vidal de la Blache, ont-ils réellement donné naissance? La Méditerranée est-elle devenue un « continent liquide ou un ensemble fracturé » ? Il était ici question de déterminer l'avenir de cette région du monde à partir de son histoire.
Si elle dépasse ce cadre géographique, la problématique du rapport entre les sexes a fait l'objet d'une troisième discussion. Dans ce sens, le rôle de l'enseignement et l'affirmation des femmes dans l'espace public ont été interrogés pour essayer de comprendre dans quelle mesure l'éducation est source d'affranchissement des « tensions et des contradictions profondes, replis, violences et dominations » qui s'opèrent dans l'espace méditerranéen, pour reprendre les mots de Thierry Fabre.
D'affrontements, il fut également question dans les échanges sur le thème de l'Europe et la Méditerranée. Peu de temps après les printemps arabes dont les fleurs tardent à éclore, que nous témoigne la relation entre une Europe dont la cohésion est mise à mal et les pays qui l'environnent au Sud, toujours en proie à des convulsions sporadiques et des crispations durables ?
Enfin, en regard de crises de toute nature, la question a été posée de savoir dans quelle mesure l'art est porteur d'affirmations susceptibles de dépasser les événements dramatiques dont le bassin méditerranéen est le cadre. Quelle place pour les artistes dans la cité à l'heure où certains prônent le repli sur soi comme réaction au processus d'internationalisation de l'économie et de la culture ? Un dernier sujet, on s'en doute, au relief particulier à Marseille cette année, avec en outre l'inauguration concomitante à ces Rencontres de la Cité des Arts de la Rue.
Cet art dont Marcel Proust écrivait qu'il multiplie le monde, ces créateurs qui en sont autant de visons, ces savoir-faire au service du savoir-vivre ensemble, ces dernières Rencontres nous en ont encore montré de biens beaux exemples.
Une réunion de diverses formes artistiques
Dans ce domaine, le ton était déjà donné avant même la tenue des Rencontres par la présentation des installations vidéos Window et Des Corps de Ville à l'Espace Culture, une lecture au Pavillon M du texte Lever de Rideau avec Nadia Vonderheyden et les élèves de l'ensemble 21 de l’École régionale d'acteurs de Cannes (ERAC) et la projection du film La Traversée d’Élisabeth Leuvrey dans plusieurs communes environnantes. Sans oublier le merveilleux moment musical offert par la compagnie Rassegna, orchestre de musiciens chanteurs inspirés par les plus belles mélodies populaires de Méditerranée, une prestation réalisée pour Averroès Junior, prologue et déclinaison des Rencontres à l'intention des jeunes.
Mais en la matière, les moments forts furent indéniablement la création consacrant le poète Frederico Garcia Lorca et le cante jondo, chant traditionnel andalou, sous la triple forme d'un concert lecture performance qui a ravi les spectateurs de la soirée d'ouverture, le concert de Rachid Taha le lendemain et l'impressionnante Odyssée pour violoncelle et chœur imaginaire, autre création, de Sonia Wieder-Atherton, jouée en clôture de cette 20e édition.
Parallèlement, comme intermède aux conférences débats ou conclusion de certaines journées, le public a pu écouter une autre lecture des élèves de l'ERAC et assister à différentes projections cinématographiques ainsi qu'à une performance théâtrale et un accompagnement musical au répertoire semblable à celui de la compagnie Rassegna. L'exposition de la carte géante Méditerranée sans frontières de Sabine Réthoré et le projet Med-Mem (Mémoires audiovisuelles de la Méditerranée) complétaient cet ensemble nourri d'expressions artistiques.
Rappelons enfin à ceux qui voudraient les réécouter, ou à l'attention de ceux qui n'y ont pas pu y participer, que les conférences débats de ces Rencontres seront diffusées sur France Culture du 23 au 27 décembre dans le cadre de l'émission La Fabrique de l'Histoire d'Emmanuel Laurentin et éditées en DVD par mativi-marseille.fr, deux des nombreux partenaires médias de ce forum d'idées désormais devenu un classique du genre.