Décès de Mohamed Mechati : « tu resteras un exemple pour le Peuple Algérien… »
Par N.TPublié le
Le militant anticolonialiste Henri Pouillot, (auteur de La Pacification) rend un hommage poignant à Mohamed Mechati, membre des « 22 » participants à la réunion historique (tenue le 25 juin 1954 au Clos-Salembier, à Alger) qui scella le déclenchement de la lutte de libération. Mohamed Mechati est décédé jeudi 3 juillet dans un hôpital à Genève à l'âge de 93 ans. L’État algérien n’a pas daigné rendre hommage à ce personnage historique, sans doute en raison de son opposition affichée au quatrième mandat de Bouteflika, de sa dénonciation d’un régime à bout de souffle qui s’impose au peuple algérien par la démagogie et la manipulation .
Mediaterranee publie le texte intégral d’Henri Pouillot
« Originaire d’une famille modeste de Constantine, tu t’engages, tout jeune, dans l’armée et prend part à des campagnes lors de la seconde Guerre mondiale, et, de Monte Casino à Strasbourg, tu as participé à la Libération de la France.
Démobilisé en 1945, tu rejoins le Parti du Peuple Algérien (PPA), l’Organisation secrète (OS, structure clandestine armée du PPA), le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), ainsi que le Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA), où tu te distingues par son militantisme actif.
Début 1954, contraint de quitter l’Algérie pour te soigner en France, lorsque tu es rétabli, tu rejoins la Fédération de France du Front de Libération Nationale (FLN) et tu en seras l’un des principaux responsables.
Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises durant cette dernière année. C’était d’abord à Paris, aux côtés de Nils Andersson, à l’occasion de la ré-édition de "La Pacification" (2) ce livre initialement publié en 1960 en Suisse, mais interdit en France, puis, face au comité scientifique (composé d’une douzaine d’historiens) de "Sortir du Colonialisme". C’est avec humour, une vivacité d’esprit,... que tu nous commentas de nombreux témoignages, avec de nombreuses anecdotes vécues 50, 60 ans plus tôt, comme si c’était hier.
Tu resteras un exemple pour le Peuple Algérien, l’un de ces valeureux combattants pour la liberté, pour la paix, pour le bonheur des hommes, et tu auras payé cher (prison, grève de la faim...) pour défendre ces idées généreuses.
Tu resteras l’un de ces hommes que l’on est fier d’avoir rencontré, estimé... »
Au revoir Mohamed
(1) Avec les informations parues dans la presse algérienne, j’avais écrit ici que tu étais le dernier de ces 22. Un rectificatif s’impose : que Dieu prête vie à ceux qui sont encore parmi nous : Zoubir Bouadjadj, Amar Benaouda, Abdelkader Lamoudi et Athmane Belouizdad.
(2) Paru en février 1960, ce livre dresse le terrible répertoire des moyens de répression exercés par le gouvernement français contre les combattants algériens et les opposants à la guerre d’Algérie : tortures, exécutions sommaires, incendies de villages (souvent au napalm) …. Il recense des témoignages de victimes et d’appelés, mais aussi des lettres adressées aux autorités politiques et judiciaires, des interventions d’avocats, des articles de presse. Il aura fallu près d’un an de travail, mené par des militants anticolonialistes avec la Fédération de France du FLN, pour sélectionner et authentifier avec rigueur les documents. Sorti en Suisse, ce livre est alors interdit en France : silence, on torture ! Voici donc à nouveau sur la table cette importante pièce historique, mise en contexte par son éditeur originel, Nils Andersson. Il relate l’aventure de ce livre, depuis son élaboration jusqu’à sa diffusion clandestine en France. Plus largement, il rappelle le combat des éditeurs engagés contre la guerre d’Algérie, autour notamment de Jérôme Lindon ou de François Maspero, soulignant par là l’inestimable pouvoir de résistance de l’écrit. Tu témoignais. Ce livre a été ré-édité par "Les Petits Matins", avec une préface de Nils Andersson, resituant le contexte de l’époque, les enjeux d’aujourd’hui