Malika et Annie, l'auteure. Deux étrangères devenues ''sœurs'' en une embrassade. (DR)

Livre : ''Rizhome'', une ode à la fraternité dans l'espace-temps de la Méditerranée

Avec ''Rhizone, L'Algérie au cœur'', Annie Séquier-Blanc signe une première nouvelle bouleversante, sur les liens d'amour qui unissent pieds-noirs et Algériens à la terre de ces âmes. L'auteure sera à la Comédie du livre de Montpellier dès aujourd'hui.

« Je suis un rhizome (…), j'ai été déraciné et je me suis enraciné ailleurs comme un rhizome. Mon histoire, c'est l'histoire d'un rhizome ». Rhizome, le mot explose à la 51ème page de l'ouvrage poignant écrit par Annie Séquier-Blanc. Avec « l'Algérie au cœur »...

Son livre est le premier objet littéraire à évoquer avec une telle sensibilité le calvaire émotionnel subi par les pieds-noirs du fait de la guerre d'Algérie et de leur rapatriement contraint et forcé en France. C'est aussi le premier à évoquer ainsi la joie des retrouvailles et des rencontres - qu'elles soient d'hier ou d'aujourd'hui - sur le sol algérien, entre les différents, mais semblables, ressortissants des deux rives de la Méditerranée.

Intensité

L'intensité de l'écriture est d'autant plus puissante que les faits qui ont nourri le style épuré de ces grandes histoires d'amitiés entrelacées, sont bien réels. Car Alain, ce quinquagénaire qui revient en Algérie pour une œuvre humanitaire plus de 40 ans après son douloureux exil, n'est autre que Alain Aquilina, commandant de police honoraire très connu à Montpellier.

Accompagné de l'amie Annie, l'auteure de cette nouvelle qui est aussi présidente de La Pasquière dont il est le vice-président, il a accepté de livrer toutes les réalités de ce retour aux sources et l'a dévoilé dans la postface de l'ouvrage. Notamment au travers de ces quelques mots :

« Je me souviens de ce jour de mon anniversaire, mes 56 ans, il y a quelques années, de ce moment précis choisi par Annie Séquier-Blanc, avec qui je partage de nombreuses activités humanitaires et sociales, pour me dire : ''Et si nous faisons la prochaine maison d'accueil des familles d'enfants malades à Bône, à Annaba''. Le passé, l'instant présent, l'avenir se sont embrouillés dans ma tête, l'Algérie, enfouie au plus profond de mes souvenirs souvent nostalgiques, redevenait présente, l'émotion m'a envahi et prenant mon visage dans mes mains, je n'ai pu m'empêcher de pleurer sans trop savoir pourquoi ».

De retour sur sa terre d'enfance qu'est toujours restée l'Algérie, aux hasards des retrouvailles d'un ami cher, d'un proche de son père ou d'une idole de football, Alain a pleuré, encore et encore. Comme beaucoup d'Algériens croisés sur son passage, après des décennies d'absence dans leurs coexistences respectives, même intergénérationnelles.

Vérité

Annie Séquier-Blanc le raconte avec la justesse de ces mots vrais qui font aussi pleurer le lecteur, à son tour... Parce que elle aussi a pleuré ! Tombée amoureuse de l'Algérie et des âmes hospitalières qui la peuplent, dès son premier voyage au côté de Alain Aquilina, cette protestante cévenole qui adore écrire, agir et vivre, y a aussi immédiatement tissé des amitiés très solides.

Comme avec Malika, cette « brillante universitaire » depuis partie vers les étoiles... En une poignée de mains qui s'étreignent, l'allergie instinctive de l'étrangeté du port du voile ressentie lors de leur première rencontre s'est immédiatement évanouie dans une union parfaite à jamais.

« Bien plus que des liens d'amitié, des liens de sœur à sœur se sont créés entre ces deux femmes de cultures si différentes », a écrit, un jour, un journaliste au sujet de Malika et Annie. C'est dire combien il a été difficile pour l'auteure de Rhizome d'écrire au présent sur la regrettée Malika à laquelle Annie a finalement naturellement dédicacé les paroles de la chanson « Il n'y a qu'un seul Dieu » de Lili Boniche, célèbre artiste du music-hall algérien.

Écouter « Il n'y a qu'un seul Dieu », de Lili Boniche :

Face à toutes ces émotions couchées sur le papier, Stéphane Hessel ne s'y est pas trompé, à la lecture du manuscrit qu'il a impérativement tenu à préfacer, avant de s'éteindre, alors que le livre n'était pas encore sous presse. Ses mots sont lourds de sens :

« Pour moi, qui ai vécu l'espérance des premières années de l'indépendance de l'Algérie et de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée, je perçois Rhizome comme un véritable message d'espoir dans la capacité des hommes et des femmes à dépasser les rancœurs et les haines par une compréhension mutuelle et une envie de construire ensemble un avenir de paix. »

Le journaliste Jean Kouchner a lui aussi été très touché par le Rhizome de Annie Séquier-Blanc, comme en témoigne son texte limpide de la 4ème de couverture :

« On n'oublie pas l'Algérie. Le voyage d'Alain et d'Annie, la force de leurs rencontres à Annaba sont les marques d'un temps qui s'est arrêté, figeant la force des sentiments qui unissent les deux rives de la Méditerranée. On oublie pas les combats, les luttes fratricides, qui ont traversé les peuples français et algérien. L'histoire a tranché. Il reste des regards, des sourires, des émotions, des retrouvailles, des solidarités qui sont nés de l'amour de cette terre et de ces gens qui ont tant donné et tant souffert. »

Bref, le complexe résiliant du « Rhizome », tout le monde en parlera ces prochains jours à Montpellier, où s'ouvre aujourd'hui la Comédie du Livre avec comme thème principal « l'Algérie et les littératures contemporaines du Maghreb ». Annie Séquier-Blanc y sera vendredi et dimanche pour dédicacer son ouvrage qui sera très prochainement traduit en langue algérienne. Tel un rhizome...

N.E

(*). « Rhizome, L'Algérie au cœur », Éditions Talaia, 63 pages, 10 euros.