Tunisie : vers une remise en cause de la liberté des femmes ?
Par yazPublié le
C'est au 56e anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel du président Habib Bourguiba qu'une nouvelle proposition de loi remettant en question le statut de la femme vient d'être mise sur la table.
Jusque-là l'égalité entre femmes et hommes est reconnue par la loi tunisienne, le divorce est possible et la polygamie interdite. Avec ce projet d'article, "l'État assure la protection des droits de la femme sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille en tant qu'associée de l'homme".
C'est la première fois qu'une proposition vient remettre en cause les acquis des femmes, les plus avancés dans le monde arabe.
Les associations tunisiennes sur le qui-vive face au risque d'une régression sociale dangereuse
Selon Sondès Garbouj, présidente de l'antenne tunisienne d'Amnesty International, la femme est présentée dans cette proposition de loi comme un "être qui n'existe pas par lui-même, qui n'est pas libre de ses choix".
Elle déplore ce "revirement total par rapport aux promesses faites au cours de la campagne électorale par tous les courants politiques qui avaient affirmé leur attachement aux droits des femmes et leur volonté de les faire évoluer".
Sur la Toile, la contestation grandit, on dénonce l’insidieuse mise en place d’un système exclusivement patriarcal. Sur la page Facebook intitulée "Rassemblement devant l’ANC pour le refus de la complémentarité", on n'hésite pas à qualifier les femmes voilées "d’esclaves qui s'ignorent".
On joue sur les mots...
Du côté d'Ennahda, les leaders estiment que ce mouvement de contestation n'est qu'une tempête dans un verre d'eau. Mehrezia Labidi-Maïza, membre du parti et vice-présidente de l'ANC, explique : "Complémentarité ne veut pas dire inégalité." "Dans la complémentarité, est-ce qu'il y a une inégalité d'une part ou d'une autre ? Dans la complémentarité, il y a justement un échange, un partenariat."
Sondès Garbouj (Amnestie internationale) insiste sur le sens arabe du mot "complémentarité" et explique : "On dit complémentaire de l'homme en français ; en arabe, cela se dit annexée à l'homme".
Ce débat qui agite la Tunisie se fait sur fond d'une autre polémique née suite à la victoire de Habiba Ghribi, première tunisienne médaillée olympique à Londres. Les islamistes reprochent à l'athlète d'avoir exhibé son ventre et ses jambes lors du 3000 mètres steeples le 6 août dernier.
Interrogé sur le sujet,Ibrahim Kassas, un député de l’ANC,homme politique connu pour son franc parler, n’a pas manqué de lancer lors d'un débat à la radio tunisienne, "Le slip d’Habiba Ghribi nous a honorés… Qu’est-ce que leurs caleçons à eux [les islamistes] nous ont rapportés ?"