Proche-orient. Les pénuries relancent la contestation au Liban
Par N.TPublié le
La colère secoue à nouveau le pays du Cèdre, où le gouverneur de la banque centrale est sous le coup d’une enquête préliminaire.
Piégés par un effondrement économique sans précédent, aggravé par la double explosion au port de Beyrouth en août 2020 et la crise du Covid, les Libanais expriment à nouveau leur colère dans la rue, devenue le seul espace de lutte. Les jeunes sont en première ligne.
Dans la capitale et à Tripoli, dans le nord du pays, ils bloquent les routes et affrontent la police. Lieu emblématique de la corruption qui a pourri tous les circuits, le ministère de l’Économie est la cible de manifestants rassemblés à l’appel du collectif « Les révolutionnaires du 17 octobre » et dispersés par les forces de sécurité.
Sans gouvernement depuis le 10 août 2020
Le pays du Cèdre est sens dessus dessous… Du courant électrique pour quelques heures seulement, de l’essence au compte-gouttes après des heures d’attente, des médicaments introuvables, des pharmacies portes closes, des hôpitaux dépourvus des moyens essentiels, une monnaie vidée de sa valeur, des prix de produits de première nécessité constamment à la hausse, le tout sur fond de crise politique inextricable.
Sans gouvernement depuis le 10 août 2020, la société libanaise demeure empêtrée dans le confessionnalisme qui mine la classe politique. « Le problème n’est pas la nomination d’un premier ministre, ce qu’il faut, c’est un changement structurel de système. Si un gouvernement n’a pas de vision claire et de programme, cela ne sert à rien », estime Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’ONU et juge à la Cour internationale de justice, cité par le quotidien l’Orient-le Jour.
Un temps pressenti comme chef du gouvernement, mais refusé par le Hezbollah qui le jugeait trop proche des États-Unis, l’ex-diplomate plaide pour un exécutif constitué « de personnalités indépendantes de la classe politique actuelle, qui nous a menés à la crise, qui puissent procéder à une répartition équitable des pertes et mener des négociations avec le Fonds monétaire international ».
L’enfant chéri de la finance dans la tourmente
En attendant, un scandale émerge dans la sphère financière. Riad Salamé, l’inamovible patron de la banque centrale du Liban, et son entourage sont sous enquête préliminaire du Parquet national financier français pour « association de malfaiteurs » et « blanchiment en bande organisée ». La piste est celle de leur immense patrimoine immobilier en Europe. Il avoisinerait, selon l’association Accountability qui dépose plainte, les 35 millions de dollars (29 millions d’euros) en France et les 150 millions de dollars (123 millions d’euros) en Europe. Les enquêteurs cherchent à établir l’origine des fonds.
Spécialisée dans la protection et la défense des populations victimes de crimes économiques, l’association française Sherpa dépose également plainte aux côtés d’un collectif d’épargnants. Ceux qui ont été « spoliés par les restrictions bancaires illégales adoptées pendant la crise », commente l’Orient-le Jour.
Nommé à la tête de la Banque du Liban en 1993 par Rafic Hariri, alors premier ministre, dont il avait géré le portefeuille d’actifs, Riad Salamé fut longtemps l’enfant chéri de la grande finance tant sa politique nourrissait les grandes fortunes.
Plus d’une vingtaine d’années après, la livre libanaise s’est effondrée, les réserves du pays se sont volatilisées. La banque centrale et des banques privées auraient cumulé le montant incroyable de 68 milliards de dollars (56 milliards d’euros). La faillite est colossale, qui précipite la moitié de la population en dessous du seuil de pauvreté. Les Libanais ont faim et soif de justice.
Source Humanité 9 juin Photo archives