SNCM : Veolia coupe la tête de Marc Dufour, l’État s'en lave les mains
Par nicolas éthèvePublié le
Marc Dufour a été évincé de la présidence du directoire de la SNCM par Veolia et l’État, contre l'avis de l'actionnariat salarié et de Gérard Couturier, le président du conseil de surveillance de la Compagnie. Les syndicats crient à la trahison de l’État.
6 voix contre, celles de Transdev, filiale de Veolia, qui est l’actionnaire majoritaire de la SNCM, à hauteur de 66%. 5 voix pour, celles des 4 représentants du personnel unis aux côtés de Gérard Couturier, le président du Conseil de surveillance. Et 3 voix qui s'abstiennent, celles de l’État français. C'est mathématique, Marc Dufour, n'est plus le président du directoire de la SNCM, suite au conseil de surveillance qui s'est tenu ce lundi, à Marseille.
Après s'être battu durant plus de trois ans contre vents et marées, pour promouvoir un plan de développement de l'entreprise, Marc Dufour, dont le contrat s'achevait fin mai, n'est pas reconduit dans ses fonctions, comme il s'y attendait ce matin, prophétisant à son grand regret qu'une telle configuration serait de mauvaise augure pour l'avenir de la SNCM, de ses salariés et de son écosystème économique.
Limogé
Arrivé en 2010 sur le port de Marseille avec une mauvaise réputation de patron boucher que rappelait à l'envie la CGT-Marins, suite à la liquidation passée d'Air Littoral, feu la compagnie aérienne de Montpellier, Marc Dufour est finalement poussé vers la sortie par Veolia et l’État, contre l'avis de l'actionnariat salarié, qu'il a su convaincre.
En mode guerre de tranchées avec Gérard Couturier face à Veolia, qui souhaite depuis longtemps se désengager de la SNCM, Marc Dufour n'a eu de cesse d'user de diplomatie entre Paris et la Corse, pour défendre son idée d'une société maritime française florissante à Marseille : en conservant bec et ongles la DSP que Corsica Ferries voulait rafler ; en étudiant de façon très poussée l'acquisition d'une flotte moderne qui pouvait impulser un nouvel élan économique dans l'entreprise, à la faveur d'un dialogue social apaisé et d'ores et déjà négocié ; en mobilisant l'avocat Jean-Pierre Mignard, proche du président François Hollande, contre le dogmatisme néolibéral de Bruxelles qui, bille en tête, a tout à coup sorti du chapeau, une puis deux amendes de 220 millions d'euros chacune ; en multipliant les rencontres avec Frédéric Cuvillier, à Paris, comme à Marseille, ce fameux 1er novembre 2012. Rien n'y a fait, pas même le SOS lancé la semaine dernière aux députés.
Ponce Pilate
Inlassablement mis face à ses responsabilités par le directoire, accusé d'être aux abonnés absents dans le dossier de la SNCM et de travailler dans certains salons de pouvoir à sa liquidation au profit de la nébuleuse Corsica Ferries, l’État français s'est finalement lavé les mains, au travers de ses trois représentants de la Caisse des Dépôts et Consignations, pendant le vote guillotine de Veolia.
Face à la violence symbolique de ce scénario aux airs de Mafiosa Saison 5, Jean-Marc Janaillac, le PDG de Transdev, a voulu rassurer, à l'issue du conseil de surveillance : « Nous souhaitons permettre à la SNCM de se construire un avenir, qui ne soit ni la liquidation, ni la fuite en avant. Nous allons donc désormais pouvoir travailler sereinement dans l’intérêt de la compagnie, de ses salariés et de ses clients ».
De son côté, Samia Ghali, maire PS du 8ème secteur de Marseille et sénatrice des Bouches du Rhône, a jugé « incompréhensible », auprès de l'AFP, ce « choix » de « se séparer d'une équipe de direction qui se battait pour son entreprise ». Et décidé d'en appeler « au président de la République, au Premier ministre, au ministre [des Transports, Ndlr] Frédéric Cuvillier pour que l'irréparable ne soit pas commis ».
Esprit d'entreprise
Ce dernier a d'ores et déjà voulu éteindre l'incendie en diffusant cette justification d'un vote qu'il assume pleinement, par voie de communiqué de presse : « Il ne s’agit ni d’un vote de défiance ni d’un vote d’indifférence à l’égard du directoire sortant que Frédéric Cuvillier tient à remercier pour le travail effectué, mais il était important de mettre un terme à la quasi paralysie qui menaçait la société. Un conseil de surveillance se tiendra le 28 mai 2014 pour nommer le nouveau directoire ».
« Gâchis », « trahison de l’État», s'indignent déjà Pierre Maupoint de Vandeul et Maurice Perrin, de la CFE-CGC, qui jugent « inconcevable (...) ce niveau d’incompétence politique » et préviennent :« l’Etat se déjuge au profit d’actionnaires qui veulent envoyer la SNCM et ses salariés au tribunal de commerce », «le gouvernement va devoir rendre des comptes». Ambiance...
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