Marseille : l’architecture au cœur des passions (Grand Angle)

S’il a, dans un premier temps, reçu un accueil froid de la part de certains Marseillais, le MuCEM a été, hier soir, plébiscité par l’ensemble des spectateurs de la neuvième table ronde « les Mardis du MuCEM » à la bibliothèque de l’Alcazar. Rudy Riciotti, architecte du bâtiment du MuCEM, Bruno Suzzarelli, directeur du MuCEM et Corinne Vezzoni, architecte du centre de conservation et de ressources du MuCEM, intervenaient pour une rencontre-débat : «construire un musée, l’architecture d’un projet».

Bruno Suzzarelli a, en guise d’introduction, présenté l’ambition du MuCEM d’être un musée de civilisation du XXI ème siècle. «Il illustrera ce que sont les civilisations de la Méditerranée, leurs rapports entre elles et avec le reste du monde, sur le long terme en regardant  le passé et sur le court terme en s’intéressant au problèmes contemporains.» Le MuCEM accueillera des expositions, des colloques et des spectacles grâce à son auditorium de 400 places.

Les deux architectes ont décliné ensuite leur recherche et leur travail par rapport à l’ambition des lieux. Le CCR dans le quartier de la Belle-de-Mai sera un espace de conservation et de mémoire, «un non-vu, invisible et secret» quand le bâtiment principal sur le môle du J4 sera un ouvrage ouvert au public avec une passerelle reliant le fort Saint Jean à la terrasse du MuCEM.

Le CCR a été pensé pour conserver des œuvres lourdes et volumineuses, et très diverses : costumes régionaux, fonds documentaires, audiovisuels… En tout ce sont près d’un million d’objets (300 000 œuvres en 3 dimensions et 700 000 en 2 dimensions) qui seront stockés dans un espace de 10000 m². Espace de conservation, Bruno Suzzatelli veut aussi en faire un espace de diffusion ouvert aux groupes sur réservation et aux chercheurs et universitaires.

Le bâtiment principal du MuCEM est un «projet déshabillé, en difficulté de certitude» comme l’a commenté son architecte, Rudy Riciotti qui a joué sur le dialogue entre le monument historique qu’est le fort Saint Jean et la création du MuCEM. Selon lui le site est «anxiogène, confronté à une physique incroyable» en référence au Mistral, à la mer et à la lumière. Son projet doit donc accepter «les principes de l’intégration et de la souffrance».

«C’est une situation unique en Europe d’avoir cette présence urbaine de mémoire Méditerranéenne» a souligné Rudy Riciotti avant de présenter la difficulté et l’innovation que représente un tel chantier à mi-chemin entre l’aéronautique et l’industrie pétrolière. Il a notamment manifesté sa sensibilité à l’égard des métiers de la construction «porteurs d’une mémoire du travail».

Suite à la demande de l’architecte, Bruno Suzzarelli a confirmé la gratuité des espaces de circulation autour du MuCEM et à l’extérieur du fort Saint Jean : «les Marseillais, longtemps frustrés d’être privé de l’accès au fort y trouveront un espace à vivre où se rencontrer». La sensibilité du public à l’architecture des bâtiments a également conforté le directeur dans son projet de portes ouvertes gratuites lors du 1er week-end de l’inauguration dans le cadre de Marseille 2013.

Isabelle Appy