Retour à la normale des relations franco-algériennes : la sagesse l’emporte sur les rodomontades de Bruno Retailleau
Par N.TPublié le
Alors que les relations entre la France et l’Algérie ont traversé ces derniers mois une crise d’une rare intensité, marquée par des déclarations incendiaires et des postures belliqueuses, le dialogue semble aujourd’hui reprendre ses droits. La visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Alger ce dimanche 6 avril 2025, symbolise cette « nouvelle phase » annoncée, fondée sur un « partenariat d’égal à égal, serein et apaisé ».
Cette normalisation, pourtant, ne s’est pas faite sans heurts, tant les positions radicales défendues par certains acteurs politiques, à l’image du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, ont pu envenimer les tensions. Pourtant, comme le souligne le spécialiste des relations internationales Bertrand Badie, « la sagesse, l’évidence l’a emporté sur les rodomontades ».
Une crise inédite, des enjeux historiques
La rupture entre Paris et Alger remonte à l’été 2024, lorsque la France a officiellement reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, un territoire soutenu par l’Algérie dans sa lutte pour l’autodétermination. La réaction algérienne fut immédiate : le rappel de son ambassadeur et une rhétorique diplomatique des plus hostiles. Dans ce contexte, les déclarations de Bruno Retailleau, multipliant les attaques contre Alger – qu’il accusait d’« agresser » la France –, n’ont fait qu’attiser les braises. Le ministre de l’Intérieur a même brandi la menace d’une « riposte graduée », une posture qui, loin de servir les intérêts français, a révélé les fractures au sein même de l’exécutif.
Pourtant, comme le rappelle Bertrand Badie, « une brouille serait trop coûteuse de part et d’autre ». Les deux pays sont liés par une interdépendance historique, économique et humaine qui rend toute escalade contre-productive. La communauté algérienne en France, les échanges commerciaux, les enjeux sécuritaires en matière de lutte contre le terrorisme, ou encore la question migratoire, sont autant de dossiers qui exigent une coopération étroite. C’est cette réalité pragmatique qui a fini par s’imposer, malgré les outrances verbales de certains.
La diplomatie silencieuse contre les coups d’éclat
Alors que Bruno Retailleau martelait sa ligne dure, le Quai d’Orsay et l’Élysée ont, en coulisses, œuvré à rétablir le dialogue. Plusieurs missions discrètes de diplomates français à Alger depuis janvier 2025, puis l’appel téléphonique entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune le 31 mars, ont permis de désamorcer la crise. Jean-Noël Barrot, en se rendant à Alger moins d’une semaine après cet échange, a acté cette volonté commune de « tourner la page des tensions ».
Cette approche contraste radicalement avec la stratégie de confrontation prônée par Retailleau. Pour Bertrand Badie, « les rodomontades de monsieur Retailleau apparaissent de plus en plus clairement comme étant des éléments qui nourrissent la politique intérieure française, et symétriquement, la politique intérieure algérienne. Cela ne peut en aucun cas déboucher sur quelque chose de constructif. » En effet, le ministre de l’Intérieur, en instrumentalisant des sujets sensibles comme les OQTF ou l’affaire Boualem Sansal, a surtout cherché à séduire un électorat national, au détriment d’une vision stratégique des relations franco-algériennes.
L’intérêt bien compris des deux nations
La reprise du dialogue n’est pas seulement un succès diplomatique : elle répond à des intérêts mutuels. Pour la France, l’Algérie reste un partenaire clé en matière d’énergie, de sécurité au Sahel, et de régulation des flux migratoires. Pour l’Algérie, la France représente un interlocuteur économique majeur, notamment dans les domaines technologiques et éducatifs. Comme le souligne Jean-Noël Barrot, la crise « ne sert ni les intérêts des Algériens ni des Français ».
La réactivation des mécanismes de coopération annoncée par le ministre français ouvre ainsi la voie à des avancées concrètes : relance des échanges universitaires, projets d’investissements communs, coordination renforcée contre les trafics en Méditerranée. Autant de chantiers qui nécessitent une relation apaisée, loin des calculs politicien.
Un revers pour les partisans de la ligne dure
Le retour à la normale constitue un « très sérieux revers » pour Bruno Retailleau, selon les mots de Bertrand Badie. Celui qui menaçait de démissionner si sa ligne n’était pas suivie se retrouve aujourd’hui marginalisé sur le dossier algérien, contraint de modérer son discours. Ce recul illustre les limites d’une diplomatie fondée sur le rapport de force et les effets d’annonce.
En définitive, la résolution de cette crise confirme une évidence : dans les relations internationales, la raison et le dialogue l’emportent toujours sur les passions et les postures. Comme l’écrit Badie dans L’Art de la paix (2024), « la diplomatie a des ressorts dont on ne peut pas se dispenser ». La France et l’Algérie, malgré leurs différends, viennent de le prouver une fois de plus.