France-Algérie : comment la presse de droite et d’extrême droite instrumentalise un fait divers
Par N.TPublié le
Les relations franco-algériennes, déjà tendues depuis des mois, connaissent un nouveau coup de froid à la suite de l’affaire Amir DZ, un influenceur algérien exilé en France et réputé « opposant » au régime d’Alger. Selon une enquête judiciaire, un agent consulaire algérien serait impliqué dans une tentative d’enlèvement de cet individu. La couverture médiatique française, particulièrement à droite et à l’extrême droite, a largement dépassé ces faits, transformant ce dossier en crise diplomatique majeure..
Un fait divers érigé en symbole d’ingérence étrangère
Amir Boukhors, alias Amir DZ, est un influenceur controversé, actif sur TikTok et d’autres réseaux sociaux, où il diffuse des critiques virulentes contre le gouvernement algérien. Condamné par contumace en Algérie pour escroquerie et « atteinte à la sécurité de l’État », il bénéficie du statut de réfugié politique en France depuis 2023. Son enlèvement en avril 2024 par des individus se faisant passer pour des policiers, puis sa libération après 27 heures de séquestration, ont d’abord été traités comme un simple fait divers.
Mais la mise en examen, le 11 avril 2025, de trois suspects – dont un employé du consulat algérien de Créteil – pour « association de malfaiteurs terroriste » et « enlèvement en relation avec une entreprise terroriste » a radicalement changé la donne. Les médias de droite (CNews, Le Figaro) et d’extrême droite (Valeurs Actuelles, Boulevard Voltaire) ont immédiatement sauté sur l’affaire pour en faire un symbole de l’ingérence algérienne en France. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a lui-même évoqué un possible « acte d’ingérence étrangère », tout en restant prudent sur les preuves.
Amir DZ, de « youtubeur polémique » à « journaliste persécuté »
La presse de droite a opéré un glissement sémantique notable : Amir DZ, décrit ailleurs comme un simple « activiste en ligne », est systématiquement qualifié de « journaliste » ou « opposant politique », termes qui légitiment son statut et renforcent sa narration à propos du régime algérien. Pourtant, ses méthodes – accusations non vérifiées, proximité supposée avec des mouvances indépendantistes kabyles ou islamistes – sont rarement interrogées.
Sur CNews, des éditorialistes comme Éric Zemmour ou Pascal Praud ont appelé à un durcissement immédiat des relations avec Alger, exigeant des sanctions économiques et la suspension des accords migratoires. Une rhétorique alarmiste, alors même que l’enquête n’a pas encore établi de lien direct entre le gouvernement algérien et l’enlèvement.
La diplomatie prise en otage par la surmédiatisation
L’expulsion, dans les 48h à partir de ce 14 avril, de 12 diplomates français par l’Algérie en réponse aux arrestations a encore enflammé le débat. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a dénoncé une mesure « inacceptable », tout en évitant soigneusement d’alimenter l’escalade verbale. Mais la presse de droite y voit une preuve supplémentaire de l'«hostilité » algérienne, occultant le contexte plus large, notamment la reconnaissance par la France de la Marocanité du Sahara occidental et les divergences sur la gestion des OQTF.
Une affaire révélatrice des dérives médiatiques
L’affaire Amir DZ illustre comment un dossier judiciaire complexe peut être instrumentalisé pour servir des agendas politiques et médiatiques. En présentant l’influenceur comme une victime héroïque et l’Algérie comme une menace, une partie de la presse française a contribué à envenimer une crise diplomatique qui, jusqu’ici, semblait vouloir s’apaiser après l’appel Macron-Tebboune du 31 mars. Reste à savoir si cette couverture biaisée servira les intérêts de la France – ou ceux des chaînes en quête d’audience.