Bilan 2011 : terrorisme et piraterie en Afrique sub-saharienne

L'Afrique subsaharienne est confrontée à une lutte difficile contre le terrorisme et la piraterie, des fléaux qui perturbent depuis longtemps la région qui s'étend de la Somalie jusqu'au Nigeria, et qui viennent compliquer une situation déjà délicate en matière de sécurité dans la région.

ENLÈVEMENTS TRANSFRONTALIERS AU KENYA

Le Kenya est devenu la seconde cible des militants shebabs de Somalie, liés à Al-Qaïda, après leurs attaques le 11 juillet en Ouganda, lorsqu'un double attentat à la bombe a tué au moins 76 personnes dans la capitale ougandaise, Kampala.

Les miliciens shebabs sont tenus responsables d'une vague d'enlèvements transfrontaliers survenus au Kenya cette année, dans un contexte d'escalade de la guerre anti-terroriste menée par l'AMISOM, la mission de maintien de la paix déployée par l'Union africaine en Somalie depuis 2007.

Les insurgés shebabs ont été chassés de la capitale somalienne, Mogadiscio, en août, lorsque le gouvernement somalien internationalement reconnu (TFG) a repris pour la première fois le contrôle de 95% de la ville.

Le Kenya a lancé une opération militaire dans le sud de la Somalie le 16 octobre, en réponse à l'enlèvement d'étrangers sur son territoire par les miliciens shebabs, de peur que ce genre de pratiques n'affecte le tourisme, principale industrie du Kenya, qui est la première économie d'Afrique orientale.

En guise de représailles, les miliciens shebabs, qui contrôlent toujours une vaste partie du sud et du centre de la Somalie, ont lancé une série d'attaques meurtrières à la grenade au Kenya, faisant plusieurs victimes civiles.

L'ampleur régionale prise par les opérations de guérilla des Shebabs a réuni plusieurs pays de la région dans une volonté de lutte commune contre cette menace à leur sécurité.

Fin novembre, l’Éthiopie, l'autre voisin de la Somalie, a déclaré qu'elle pourrait envoyer des troupes combattre pour une "brève période" aux côtés des forces somaliennes et kenyanes, tout en confirmant qu'elle avait déjà déployé une mission de reconnaissance en Somalie.

La Somalie, le Kenya et l’Éthiopie sont tous membres de l'Autorité inter-gouvernementale pour le développement (IGAD), qui a durant son sommet de novembre exhorté l’Éthiopie à soutenir l'opération conjointe menée par le Kenya et le TFG.

Elle a également appelé le Kenya à contribuer par l'envoi de troupes à l'AMISOM, déjà forte de 9800 hommes venus principalement d'Ouganda et du Burundi. Djibouti et le Sierra Leone font également partie de la mission.

La Somalie n'a pas eu de gouvernement central fort pendant deux décennies, après le renversement en 1991 de Mohamed Siyad Barre, l'ancien homme fort du pays. Depuis, le pays a été plongé dans la terreur. La guerre contre le terrorisme dans ce pays de la Corne de l'Afrique pourrait s'avérer longue et difficile.

OPÉRATIONS D'AQMI LE LONG DES FRONTIÈRES DES PAYS DU SAHEL

La branche d'Al-Qaïda en Afrique du Nord, AQMI, est originaire du mouvement salafiste algérien. Elle est active dans les pays du Sahel depuis 2006, notamment au Mali, en Mauritanie et au Niger. Elle opère principalement dans le domaine des enlèvements et du trafic de drogue. Parmi les otages européens kidnappés par AQMI, un Britannique et trois Français ont été exécutés.

A ce jour, le groupe terroriste, qui aurait sous ses ordres des centaines de membres en opération à travers le vaste désert de la région, détient toujours au moins neuf otages européens - six Français, deux Espagnols et un Italien.

Ces deux derniers mois, il semblerait que le groupe terroriste ait intensifié ses opérations d'enlèvement, kidnappant deux Espagnols et un Italien qui travaillaient dans un camp de réfugiés dans l'ouest de l'Algérie en octobre, et deux Français au Mali en novembre.

Le Mali, dont la région nord est un bastion d'AQMI, a connu une autre attaque à Tombouctou fin novembre, lorsque trois Européens ont été enlevés et un quatrième tué.

Personne n'a revendiqué la responsabilité de l'attaque, mais les forces de sécurité soupçonnent AQMI d'en être l'auteur.

Pour compliquer la situation sécuritaire, AQMI a affirmé début novembre s'être procurée des armes en Libye, provenant apparemment des arsenaux de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi.

Des sources dans le domaine de la sécurité craignent qu'AQMI ne pose une menace encore plus grave si le groupe venait à être équipé de nouvelles armes libyennes.

AQMI est également liée aux attentats perpétrés par le groupe islamiste militant Boko Haram au Nigeria, qui s'est rendu coupable d'une série d'attaques à la bombe, dont l'attentat du 26 août contre les bureaux de l'ONU dans la capitale Abuja.

Cet attentat a rappelé l'attentat d'Al-Qaïda contre le siège de l'ONU en Irak en 2003 et un autre attentat similaire en Algérie en 2007.

Selon certains rapports, des Nigérians seraient formés et entraînés en compagnie des combattants liés à Al-Qaïda dans le désert. Ceci tendrait à indiquer une progressive infiltration d'AQMI vers le sud, par le biais d'un partage de techniques d'entraînement, de tactiques et d'armes avec d'autres groupes militants.

La menace croissante posée par AQMI a conduit à des actions communes entre des pays du Sahel comme l'Algérie, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.

L'année dernière, l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger ont mis en place un commandement opérationnel commun à Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie, prévoyant de réunir 25.000 soldats durant la phase initiale et 75.000 soldats d'ici 2012.

La Mauritanie, en coopération avec le Mali et la France, a maintes fois lancé des opérations militaires dans le désert, qui ont permis de détruire une base d'AQMI, de sauver des otages et de tuer un certain nombre de terroristes.

Le Mali a également intensifié ses opérations en décembre, arrêtant au moins six hommes soupçonnés d'implication dans des cas d'enlèvement cette année.

PIRATERIE SUR LES COTES AFRICAINES DE L'OUEST ET DE L'EST

La piraterie est devenue un fléau endémique sur les côtes orientales et occidentales de l'Afrique.

Le problème des pirates somaliens constitue un véritable casse-tête le long de la côte orientale, voire jusqu'au Golfe d'Aden, l'une des voies les plus fréquentées du monde maritime, et ce malgré la présence d'une force navale multinationale dans l'océan Indien.

Les chiffres sont consternants: au total, 199 navires ont été attaqués par les pirates somaliens entre janvier et septembre, contre 126 attaques signalées durant la même période en 2010.

Grâce à la multiplication des patrouilles de la force multinationale dans la région, les neuf premiers mois ont néanmoins vu une baisse du nombre de navires détournés, avec 24 navires détournés contre 35 pour la même période en 2010.

Sur la côte occidentale, les détournements opérés par des pirates l'océan Atlantique sont fréquents, en particulier dans le Golfe de Guinée, une région riche en pétrole qui s'étend de la Guinée au nord-ouest à l'Angola au sud.

La piraterie hante le Golfe de Guinée depuis des années. Rien qu'au Nigeria, premier producteur africain de pétrole, on a enregistré 293 cas d'attaques en mer entre 2003 et 2008.

Le Bénin est parmi les pays les plus durement touchés cette année, avec au moins 20 incidents de piraterie signalés jusqu'à présent, alors qu'en 2010, aucun cas n'avait été signalé.

Le nombre de navires osant encore croiser le long de la côte du Bénin a en conséquence chuté de 150 à moins de 50 par mois.

Ce fléau cause beaucoup d'inquiétudes dans le monde. La coopération en matière de sécurité est en train d'être renforcée pour faire face à cette menace.

Le Bénin et le Nigeria, deux pays voisins, ont lancé des patrouilles conjointes en mer.

Les États-Unis et l'Espagne ont également offert leur aide au Bénin dans la lutte contre la piraterie.

La France, qui a des intérêts en Afrique occidentale, en particulier dans les pays francophones de la région, a promis d'offrir 5,2 milliards de francs CFA (10,8 millions de dollars) pour une formation de trois ans des forces anti-piraterie au Bénin, au Togo et au Ghana.

En novembre, une équipe de l'ONU a visité le Bénin, le Nigeria, le Gabon et l'Angola pour coordonner la lutte contre la piraterie, alors que la Communauté économique des États d'Afrique occidentale (CEDEAO), qui compte 15 membres, a déclaré qu'elle tiendrait un sommet début 2012 afin de discuter d'une action commune.