les autorités ont pris des mesures fermes pour stopper le trafic... (DR)

Algérie: après la décision algérienne d’endiguer le trafic de carburant vers le Maroc : Oujda sur un volcan

Du jamais vu dans capitale de l’Oriental au Maroc. Des stations-service qui ferment les unes après les autres. Ainsi, après la décision d’Alger d’endiguer le trafic de carburant vers le Maroc, Oujda est au bord de l'explosion.

La file est immense devant la station-service Afriquia située à l’entrée de la capitale de l’Oriental. Habituellement, ce genre de spectacle est plutôt courant à une trentaine de kilomètres plus à l’est, en Algérie précisément, du côté de Maghnia, de Marsa Ben M’hidi, de Boukanoun, dans la wilaya de Tlemcen.

« Pas de gasoil, aujourd’hui », nous a dit le pompiste Rachid, un employé municipal d’Oujda. « Ça n’est jamais arrivé, vraiment, je ne sais pas ce qui se passe. » Le moral des habitants d’Oujda, de Berkane, de Nador ou de Saïdia est au plus bas ces derniers jours. En effet, l’Algérie a décidé de surveiller davantage sa frontière Ouest, en tentant d’endiguer le trafic d’essence.

Une première depuis la fermeture de la frontière terrestre entre les deux pays, il y a tout juste dix-neuf  ans. Rachid se demande comment la situation va évoluer, mais, selon lui, rien n’inspire à l’optimisme. « Si à Rabat on ne réagit pas, je crains que cela ne dégénère.

Même les produits de première nécessité made in Algeria commencent à se faire rares. Nous allons être obligés de nous rabattre sur la production locale de moins bonne qualité. Fini le Sélecto… »

Une Situation inédite

Il est vrai qu’à Oujda, on consomme plus algérien que marocain. D’ailleurs, ne dit-on pas qu’elle est la plus algérienne des villes marocaines ? Toutes les marques algériennes y sont disponibles jusqu’à la lessive Isis aux cigarettes Rym.

« Pour le moment, nos supérettes sont approvisionnées encore, mais les arrivages commencent à se faire rares », constate ce commerçant du centre-ville de Oujda. « Et forcément, cela a un impact sur les prix ». Non seulement les produits algériens ont vu leurs prix augmenter (en dirhams, bien sûr), mais aussi et surtout les transports, puisque, vu la rareté du carburant, les taxis et les bus ont dû revoir leurs tarifs à la hausse.

« C’est une situation inédite, regrette Jamal, chauffeur de taxi. Nous sommes obligés de recourir à cette augmentation. Et bien sûr, les clients ne sont pas contents. Il va falloir que les autorités réagissent. Sinon, ça va être l’explosion, comme à Laayoune (capitale de l’ex-Sahara espagnol, NDLR) ». Pour Moulay Idriss, guide touristique de Saïdia, cette crise peut générer une importante perte d’argent.

« A plus ou moins long terme, explique-t-il, c’est toute la saison estivale qui peut partir en fumée. Ici, à Saïdia, non seulement nous recevons des touristes nationaux, mais aussi des Européens, surtout des Espagnols. L’impact peut être tel que les prix des séjours peuvent connaître une augmentation. »

Cellule de crise

De l’autre côté de la frontière, dans la wilaya de Tlemcen, il semblerait, selon nos informations, qu’une cellule de crise ait été mise en place du côté des trafiquants de carburant. L’un d’eux, résidant à Boukanoun, située à quelques mètres seulement du premier drapeau marocain, ne cache pas sa colère.

« La situation est devenue difficile, pour ne pas dire catastrophique, s’énerve-t-il. Avec mes amis, nous nous sommes réunis cette nuit afin de voir comment gérer tout ça. De toute façon, nous disposons de complicités au niveau des gardes-frontières. Nous comptons les consulter. C’est notre gagne-pain qui est en train de partir en fumée. Et en plus, nous nourrissons toute la région d’Oujda. Ce n’est pas Mohammed VI en personne qui pourra réaliser ce que nous faisons pour eux. »

Les ânes, qui sont dressés tels des pigeons voyageurs pour effectuer, selon le jargon des trafiquants et des passeurs, des « livraisons à domicile » restent « stationnés » devant les luxueuses villas ocre des bourgades frontalières, de même que les Renault 25. En attendant, à Oujda, la rue gronde, et, selon certains, il n’est pas impossible que des émeutes éclatent dans les jours à venir.