France : déchainement de "haine raciale" sur le toit d'une mosquée en construction
Par N.TPublié le
Un groupuscule d'extrême-droite, Génération Identitaire, a occupé samedi vers 5h45 du matin le toit de la future mosquée de Poitiers (Vienne). Quelque 73 militants ont déployé une banderole affichant le nom de leur mouvement et une autre indiquant que «Charles Martel a battu les arabes à Poitiers en 732». L'action qui suscite l'indignation dans la classe politique intervient dans un contexte marqué par de nombreuses polémiques sur le thème de l'Islam et de l'immigration. La gauche a demandé la dissolution du ce groupe.
Quatre des organisateurs ont été placés en garde à vue, qui devrait être prolongée jusqu'à dimanche. Les identités des autres manifestants ont été relevées, rapporte la presse locale.
Une enquête a été ouverte par le procureur de la République de Poitiers pour «manifestation non autorisée, provocation à la haine raciale, participation à un groupement en vue de la préparation de dégradation de biens en réunion». La qualification de «vol et dégradation en réunion» est également retenue notamment concernant une dizaine de tapis de prière déplacés de la mosquée sur le toit et très fortement endommagés par la pluie.
«On avait l'intention de rester plus longtemps mais comme on n'a pas du tout l'intention de s'affronter physiquement, nous repartons avec la police, dans la bonne humeur, sans que cela se finisse mal», a déclaré un militant contacté par l'AFP, avant les évacuations. Il a souligné que ce coup d'éclat avait fait connaître le mouvement, un avis partagé par la préfecture, évoquant une «opération de communication».
Manuel Valls : "provocation haineuse et inadmissible..."
«Ils sont plutôt assez jeunes et ont déployé une banderole "Génération Identitaire" sur le toit», a expliqué Rachid Kaci, le sous-préfet de Montmorillon, qui s'est rendu sur place, alors que la police s'organisait pour déloger les manifestants. Finalement, ils ont accepté de partir sans encombre et l'évacuation s'est terminée peu avant 13 heures, selon la préfecture. Par cette action, le groupe affirme vouloir «se placer en première ligne du combat pour notre identité» et demande un référendum en France sur l'immigration extra-européenne et la construction de nouvelles mosquées.
Depuis Manille où il participe à un Forum économique, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a «condamné» l'envahissement par des militants d'extrême droite. De son côté, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a dénoncé «la provocation haineuse et inadmissible» et «les amalgames douteux» d'un groupe d'extrême droite. M. Valls «garantit que l'Etat fera preuve de la plus grande fermeté face aux manifestations d'intolérance qui déchirent le pacte social», précise dans un communiqué le ministère de l'Intérieur.
«Poitiers est sous le choc», a déclaré le maire de cette ville de 90 000 habitants, Alain Claeys, indiquant que les membres du groupe «venaient de la France entière» et semblaient très organisés, équipés d'ordinateurs et de banderoles. «Jamais nous n'avons eu la moindre difficulté à Poitiers», visant la communauté musulmane, a-t-il assuré en décrivant sa municipalité comme un lieu d'échange et de partage.
"Un coup de force pour prêcher la haine anti-islam..."
«Nous sommes blessés profondément», a souligné Boubaker El Hadj Amor, président de la communauté musulmane de Poitiers et imam de la ville. Il s'est félicité que la communauté musulmane de l'agglomération, qui compte quelque 7 à 8.000 personnes, ait fait preuve d'«un esprit de calme et responsabilité exemplaires». «Ces extrémistes cherchaient la provocation, ils ne l'ont pas trouvée», a ajouté l'imam qui entend déposer plainte contre ces militants.
Le président de l'Observatoire contre l'islamophobie au Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, a condamné dans un communiqué «ce coup de force pratiqué par des extrémistes venus de toute la France pour prêcher encore une fois la haine anti-islam». «Cette occupation grave, sauvage et illégale, accompagnée de slogans hostiles à l'islam et aux musulmans, est sans précédent dans l'histoire de notre pays», a estimé le CFCM dans un communiqué, craignant que «notre vivre ensemble et notre cohésion nationale» soit mis à mal «par l'incitation à la haine et à la division».
Des représentants du diocèse catholique de Poitiers étaient venus dès le début de la matinée sur place pour apporter leur soutien à la communauté musulmane.