Pour Jean-Paul Alduy, cette affaire est un énorme « gâchis ». (DR)

Perpignan : la « fraude à la chaussette » a été jugée

Ironie du sort, le jugement de « la fraude à la chaussette » qui agite la région perpignanaise depuis 2008 a connu son épilogue judiciaire, hier, au moment même où de nombreuses chaussettes rouges sont suspendues dans les foyers dans l'attente des étrennes de Noël.

Le tribunal correctionnel a en effet condamné Georges Garcia, le partisan de l'ancien maire UMP de Perpignan, Jean-Paul Alduy, à un an de prison avec sursis, à 3 000 euros d'amende et à trois ans de privation des droits civiques pour « soustraction de bulletins de vote », a rapporté l'AFP. L'autre prévenue, Marie-Madeleine Tjoyas, numéro deux de la liste Alduy aux municipales, a pour sa part été relaxée.

Georges Garcia, frère d'un colistier du maire sortant Jean-Paul Alduy, avait été trouvé en possession d'enveloppes et de bulletins estampillés au nom de Jean-Paul Alduy et dissimulés dans ses chaussettes et ses poches, alors qu'il présidait un bureau de vote au second tour des municipales.

Ce flagrant délit avait entraîné l'invalidation de l'élection municipale, qui avait placé Jean-Paul Alduy en tête avec 574 voix à l'issue du second tour, et créé de nombreux remous, avec la région perpignanaise comme épicentre...

Voir cet extrait du film documentaire "La fraude à la chaussette", réalisé par le journaliste Joan Lopez :

Relaxé, comme Marie-Madeleine Tjoyas, pour l'accusation d'« imitations de signatures » sur le registre des votants, Georges Garcia devra néanmoins s'acquitter, outre les condamnations précitées, du versement d'un euro de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par chacun des candidats parties civiles. A savoir, Jean-Paul Alduy (ex-UMP), Louis Aliot (FN), Clotilde Ripoull (ex-MoDem), Jean Codognès (divers gauche) et Jacqueline Amiel-Donat (PS) qui avait été déboutée de sa demande de 48 000 euros de dommages financiers pour les frais de la seconde campagne qui avait dû être menée, après l'annulation du scrutin, en 2009.

Cette élection sous haute-surveillance avait à nouveau été remportée par Jean-Paul Alduy qui avait ensuite cédé son mandat de maire à Jean-Marc Pujol, pour se consacrer à la présidence de l'agglomération Perpignan-Méditerranée et à la perspective d'une réélection sénatoriale, où il échouera en septembre 2011, sous l'étiquette du Parti Radical.

Selon les informations délivrées à l'AFP par Me Valérie Bosc-Bertou, l'avocate de Georges Garcia, son client ne devrait pas faire appel du jugement rendu mercredi : « C'est un honnête citoyen qui a commis une erreur, il a reconnu la matérialité des faits et ne recommettra pas cette erreur ». A l'audience, Georges Garcia avait nié toute intention de frauder. Il avait cependant reconnu avoir voulu soustraire des enveloppes, tout en assurant que c'était pour « faire coïncider le nombre de bulletins et celui des noms sur la liste d'émargement ».

Les Pyrénées-Orientales, une « zone de non-droit » ?

Les opposants à Jean-Paul Alduy avaient directement mis en cause un « système » politique, lors du procès. « Les Pyrénées-Orientales ont la réputation d'être une zone de non-droit et de clientélisme », avait notamment souligné Jean Codognès. Le président de Perpignan-Méditerranée leur a indirectement répondu hier, dans un communiqué rédigé d'une plume cinglante : « La justice est passée ; elle a pris son temps et après plusieurs années d'investigations et d'auditions elle a jugé M. Garcia et innocenté Mme Tjoyas ; personne ne pourra dire que l'enquête n'a pas été menée avec le plus grand sérieux. La justice a jugé et nous pouvons tous aujourd'hui prendre la mesure de l'insupportable manipulation dont j'étais la cible et Perpignan la victime. En cet instant, je revois les mois douloureux de 2008 : le lynchage médiatique, les visages de haine de manifestants excités par des femmes et des hommes politiques irresponsables ; ils avaient les mots de la vertu pour faire un procès à charge définitif ; ils avaient en fait les mots de la vertu pour masquer leur appétit de pouvoir. Ils n'ont pas hésité à salir l'image de notre cité ; ils ont pris le risque de provoquer des affrontements incontrôlables comme ceux déjà connus en 2005 ».

« J'ai souffert, ma famille, mon équipe, mes amis, mais aussi l'administration municipale, ont souffert et les blessures jamais ne s'effaceront, poursuit Jean-Paul Alduy dans son communiqué. Aujourd'hui je veux dire à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à cette manipulation médiatique, et fabriqué sans preuves ''l'affaire des chaussettes'', je veux leur dire : quel gâchis ! La République humaniste, celle des droits de l'homme, celle du respect de chacun et chacune dans sa diversité, celle de la présomption d'innocence est notre héritage précieux ; à nous hommes et femmes politiques, mais aussi journalistes ou simples citoyens d'apprendre à ne jamais juger sans preuves et laisser la justice produire son verdict. C'est ainsi et seulement ainsi qu'une démocratie sereine et fraternelle peut se construire ».

Les prochaines élections, et notamment les municipales de 2014, diront si le département des Pyrénées-Orientales sera à nouveau le théâtre d'une affaire équivalente à celle de « la chaussette ». Une affaire qui pourrait bien lui coller longtemps aux basques...