"Visegrad ensanglanté sur la Drina" : un film-mémoire du génocide bosnien
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La mémoire sauvegardée, c'est la principale impression que suscite le film "Visegrad ensanglanté sur la Drina", projeté il y a quelques jours dans la salle multimédia de la mairie de la Nouvelle ville à Sarajevo, où on demandait la chaise en plus, est le sixième long métrage de réalisateur Avdo Huseinovic.
"Ici comme ailleurs la salle était comble. Des spectateurs ont souhaité voir des témoignages de leur histoire récente et sans exagération: terrible et douloureuse. Ils sont sortis satisfaits de ce travail de mémoire. Nous continuons de sauvegarder la documentation et essayons de laisser des traces de nous-mêmes"-a -t-il souligné.
Son film consacré entièrement aux exécutions massives des Bosniaques à Visegrad en 1992, est aussi une chronologie précise des crimes perpétrés sur la population autochtone et majoritaire de la Bosnie-Herzégovine. Elle débute dès le Premier soulèvement serbe (1804-1813), en passant par deux conflits mondiaux jusqu'à la dernière agression survenue entre 1992-1995.
Mis à part les Sarajeviens, des habitants du Canton de Tuzla, Sanski Most, Gorazde et de Sana-Una ont vu le film. Le commandant de la Première unité de Visegrad, Ahmet Sejdic a évoqué la vertu de la tolérance propre aux Bosniaques, qui persiste malgré des menaces plusieurs fois mises en oeuvre par leur concitoyens et voisins, durant les siècles précédents:
"Nous excuserons jusqu'à notre disparition?! Si la justice avait été faite, la première du film aurait eu lieu à Visegrad! Mais nous ferons tout pour que le film soit projeté sur le lieu des crimes.Il est notre carte d'identité historique, destiné à nos enfants".
Le réalisateur Huseinovic n'a pas seulement convoqué la presse, il s'est adressé aussi au public nombreux en remerciant les collaborateurs et tous ceux, qui ont soutenu ce projet.
"Cette présentation concorde avec le 22ème anniversaire de l'agression perpétrée par la cinquième armée du monde de l'époque, celle qui portait le nom JNA, où l' Armée yougoslave avait attaqué un Etat internationalement reconnu: la Bosnie-Herzégovine. Le corpus entier de la ville serbe d'Uzice, commandé par le colonel Dragoljub Ojdanic, proclamé criminel de guerre par la justice mondiale, est entré avec des milliers de soldats armés jusqu'aux dents à Visegrad.
Ils ont très vite remplacé les autorités légales en introduisant les lois d'un parti nationaliste, appelé on ne sait pas pourquoi le Parti Démocratique Serbe qui a autorisé les crimes de civils innocents. Actuellement il reste une poignée de survivants éparpillés aux quatre coins du monde. La plupart des anciens habitants de la ville ont fini leur existence égorgés et jetés dans la Drina, qui est aujourd'hui une des plus grandes fosses communes de Bosniaques assassinés, en Europe du sud-est".
Une vie pleine de tragédies consécutives
Le réalisateur a montré aux invités et aux spectateurs la carte d'identité de Hasan Tufekcic, miraculeusement sauvegardée après sa disparition en demandant à chacun de mémoriser son nom. L'homme a vu mourir ses dix enfants en 1943, égorgés devant lui par des Tchetniks de Draza Mihajlovic, dont des unités ont directement collaboré avec les nazis. Cinq décennies plus tard, ses trois enfants qui avaient survécu au premier massacre ont été égorgés par les mêmes extrémistes serbes.
Le film document "Visegrad ensanglanté sur la Drina" avec de précieux témoignages des survivants montre le point de vue des écrivains, médecins ou démineurs: Muhamend Filipovic, Amor Masovic ou encore Abdulah Sidran, scénariste de la première oeuvre filmique de Kusturica : "Te souvens-tu de Dolly Bell?" et plusieurs fois primé en Italie et dans les pays scandinaves pour ses romans et essais, traduits en 25 langues.
Différentes associations ont également assisté à la projection: "Femmes victimes de guerre", "Mères d'enclaves Srebrenica et Zepa"; ainsi, les membres de l"Union des parents d'enfants tués à Sarajevo assiégée" et des représentants de la "Fédération des survivants des camps" et nombreux personnalités publiques. Naser Oric, le commandant de Srebrenica assiégée était aussi parmi des spectateurs venus de tous les côtés de Bosnie-Herzégovine et ceux de la diaspora.