Fusillade à Montpellier : ''Thomis avait sa fierté, il n'aimait pas qu'on lui marche dessus''
Par nicolas éthèvePublié le
Après la mort par balles de deux jeunes Montpelliérains au cœur du quartier Lemasson, Médiaterranée a rencontré Lucho Lopez, un coach de boxe trentenaire qui connaissait très bien Sébastien Thomis, l'une des deux victimes de ce tragique samedi soir.
Enfant du quartier Lemasson, Lucho nous explique pourquoi ce drame n'a rien à voir avec un règlement de comptes dit « à la Marseillaise », tout en lançant des pistes pour qu'une telle tragédie ne se renouvelle pas. Entretien...
Aujourd'hui, dans quel état d'esprit se retrouvent les habitants du quartier, suite à ce drame ?
« Ils sont choqués, ce n'est jamais arrivé à Lemasson ça ! Mais ce n'est pas pour cela qu'il faut en faire une affaire de trafiquants de drogue, comme on a pu le lire dans les médias... Peu de gens le savaient à Lemasson, mais Thomis était SDF. Comme il n'avait pas de famille ici (sa mère arrive aujourd'hui de Martinique et avec sa sœur Élodie Thomis, joueuse professionnelle de foot à l'Olympique Lyonnais et en Équipe de France, ils ne se parlaient plus), Sébastien dormait soit à l'hôtel quand il avait quelques sous, soit dans des caves, même si ce n'était jamais à Lemasson, par fierté. Thomis, ce n'était pas un grossiste de Montpellier qui risquait de se faire flinguer pour un trafic, comme on peut le voir dans certaines villes, jamais de la vie ! Vous croyez qu'un trafiquant est SDF ? Il fumait des joints, comme beaucoup de jeunes, oui, ça lui est peut être arrivé de faire quelques trucs pour se faire trois sous, sans doute, mais rien de plus... Il n'avait pas d'argent ! Moi, quand j'allais m'acheter une pizza, je lui gardais une part ou deux et je descendais de chez moi pour voir s'il était là et s'il en voulait, parce qu'il ne mangeait pas beaucoup. Aujourd'hui, ce lundi 25 août, après avoir économisé un peu d'argent, il devait avoir enfin les clés d'un logement... Je suis en train de faire une quette pour mettre des gerbes de fleur à l'endroit où ça s'est passé et un petit mémorial pour lui. Le snack de Lemasson va aussi prendre en charge les pompes funèbres ce qui montre bien que c'était un garçon aimé. Certains voisins pouvaient le voir comme une bête parce qu'il traînait dans le quartier, mais ce n'était pas un garçon comme ça, ce n'était pas un monstre et d'ailleurs, il n'a jamais agressé personne.
Vous le connaissiez bien, Sébastien Thomis ?
Oui, je le connaissais très bien, je l'ai même entraîné ! Il est arrivé il y a 7 ou 8 ans à Lemasson avec son ex-copine, la mère de son enfant qui n'a que 3 ans aujourd'hui et qu'il ne voyait pas parce qu'il n'avait pas de logement. Je le voyais souvent en bas de chez moi quand je descendais avec mes enfants et pendant que les petits jouaient au ballon, je parlais avec lui. Au fil des années, nous sommes devenus amis. Il avait son tempéremment, mais aussi beaucoup de respect pour les gens, il écoutait les grands et aidait souvent les personnes âgées à monter leurs courses chez elles...
Alors qu'est-ce qu'il s'est passé ce samedi soir sanglant, selon vous ?
D'après les versions des riverains qui ont vu des choses, Thomis était en bas, avec ses copains, comme souvent, sans faire de mal à personne. Ensuite, il y a deux mecs qui sont arrivés, assez excités, en demandant de la drogue. Et d'après ce que m'ont dit des jeunes de la cité Saint-Martin, ces deux mecs étaient déjà passés dans l'après-midi dans leur quartier et avaient également demandé de la drogue en faisant partir des coups de feu... Le soir, ils sont arrivés à Lemasson, il y en a un qui s'est disputé avec Thomis dans le bloc de l'immeuble, il y a eu des coups de feux, les gens sont arrivés et ils ont vu Thomis se faire tirer dessus par une autre personne. Thomis, avait son caractère, sa fierté, il n'aimait pas qu'on lui marche dessus, ça a du s'emballer sur quelques paroles et il ne devait pas savoir qu'ils étaient armés... Il a réussi à éviter des coups de feu et à retourner l'arme de son agresseur contre lui avant de se faire tirer dessus par le deuxième agresseur qui s'est enfui. Lui n'avait pas d'arme, j'en ai la certitude.
Qu'est-ce qu'il faut faire, selon vous, pour que de tels drames ne se reproduisent plus ?
Il faut augmenter la sécurité et renforcer la médiation. A Lemasson, nous n'avons qu'une caméra, s'il y avait un peu plus de caméras et des patrouilles de police, il y aurait plus de sécurité. A Lemasson, tout le monde se connaît, il n'y a jamais eu de grave problème comme celui que nous venons de vivre. Là, ce sont deux mecs extérieurs au quartier qui ont foutu la merde... Pour renforcer la médiation, nous sommes plusieurs anciens du quartier à vouloir créer une association afin d'animer un local pour les jeunes. Aujourd'hui, il y a 5 ou 6 salles pour les rapatriés dans le quartier et aucune pour les jeunes qui se retrouvent à ''squatter'' dehors ou dans les halls. Et le médiateur qui est en poste pour la mairie n'a pas de poids sur les jeunes : un jeune du quartier aura forcément plus de poids qu'un jeune qui vient de Lille et fait ce boulot en parallèle de ses études universitaires... Quand tu donnes des leçons de morale, alors que tu n'es pas du quartier, que tu as un Bac+8 et que tu n'as pas galéré dans ta vie, tu ne peux pas expliquer à un jeune le chemin qu'il doit maintenant prendre pour ne pas aller dans cette galère. Nous, c'est ce que nous voulons faire : on a nos enfants qui arrivent derrière et on ne veut pas qu'ils suivent ce chemin. »