sfy39587stp17
Aller au contenu principal

Affaire libyenne: Sarkozy se prend cinq ans de prison ferme, la chute

Le verdict est tombé jeudi 25 septembre au tribunal correctionnel de Paris : Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, a été condamné à cinq ans de prison ferme, dont un mandat de dépôt à effet différé. Une décision historique, tant elle marque une rupture dans la tradition française d’indulgence vis-à-vis des puissants. Pour la première fois, un ancien chef de l’État est reconnu coupable d’association de malfaiteurs dans le cadre du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

Le tribunal n’a pas retenu les faits de corruption directe ou d’enrichissement personnel, faute de preuves suffisantes. Mais il a établi avec minutie l’existence d’un dispositif destiné à obtenir l’appui financier de Mouammar Kadhafi, alors dirigeant libyen. C’est cette ingénierie occulte qui fonde la condamnation pour association de malfaiteurs. La présidente du tribunal a souligné la « gravité exceptionnelle » des faits, de nature à « altérer la confiance des citoyens envers leurs représentants ».

Contrairement au discours de la défense, le jugement n’a rien d’une construction fragile : il repose sur plus de dix ans d’investigations, de témoignages, de documents et d’aveux partiels. Le tribunal a rappelé que les plus proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy – Claude Guéant et Brice Hortefeux notamment – n’ont jamais nié leurs contacts avec des dignitaires libyens. Pas plus qu’ils n’ont osé affirmer que l’ancien président était tenu à l’écart de ces discussions.

Une relaxe partielle, preuve du sérieux de l’instruction

La défense dénonce un procès « politique » et un acharnement judiciaire. Pourtant, les juges ont démontré qu’ils savaient distinguer ce qui relève du soupçon et ce qui relève de la preuve. Nicolas Sarkozy a été relaxé de trois chefs d’inculpation, notamment sur des accusations de corruption qui n’ont pas pu être établies. Ce tri attentif renforce la crédibilité du jugement : il ne s’agit pas d’un règlement de comptes, mais d’une décision motivée, fondée sur l’indiscutable.

Fidèle à sa ligne de défense, Nicolas Sarkozy a immédiatement dénoncé une « injustice » et un « scandale », invoquant le soutien des Français. Mais cette posture victimisante trouve de moins en moins d’écho. L’ancien président, déjà impliqué dans plusieurs affaires judiciaires – Bygmalion, écoutes téléphoniques, arbitrage Tapie – apparaît aux yeux d’une grande partie de l’opinion comme un habitué des prétoires plus que comme une victime.

L’argument consistant à se draper dans la ferveur populaire peine à masquer le contraste : celui qui se voulait champion de la fermeté contre la délinquance se retrouve condamné pour association de malfaiteurs. L’ironie n’a échappé ni aux responsables politiques de gauche ni à une société civile lassée des postures d’indignation.

Une droite engluée dans ses contradictions

La réaction du camp conservateur illustre l’ampleur du malaise. À droite, ténors et anciens ministres ont fait bloc autour de Nicolas Sarkozy, louant son « énergie » et son « dévouement à la France ». Laurent Wauquiez, Éric Ciotti ou encore François-Xavier Bellamy ont dénoncé une peine « disproportionnée », voire « politique ».

Ce réflexe de solidarité automatique a de quoi surprendre. Car loin de redorer l’image de la droite, il accentue son contraste avec l’opinion publique, qui voit désormais un parti se revendiquant « champion de l’intégrité » défendre un ex-chef d’État condamné pour association de malfaiteurs. La stratégie du déni risque de peser lourdement sur la crédibilité de ce camp politique, déjà affaibli par la succession de scandales – de l’affaire Fillon à la débâcle financière des Républicains.

Une justice qui tient bon

Malgré les pressions et la complexité d’un dossier international mêlant enjeux diplomatiques, intérêts économiques et manipulations, les juges ont tenu leur ligne. Ils n’ont pas cédé aux approximations ni aux soupçons non étayés. Ils se sont appuyés sur ce qui leur semblait irréfutable : les circuits financiers, les témoignages croisés, la chronologie des rencontres.

En condamnant Sarkozy mais en relaxant trois autres prévenus, ils ont prouvé qu’il ne s’agissait pas d’un procès à charge mais d’un jugement équilibré, respectueux des principes du droit. Cette indépendance assumée, dans un dossier aussi sensible, constitue un signal fort : aucun statut politique ne peut garantir l’impunité.

Un séisme politique et symbolique

Au-delà de la personne de Nicolas Sarkozy, c’est tout un pan de la vie politique française qui vacille. La condamnation d’un ancien président pour association de malfaiteurs ne peut qu’éroder davantage la confiance des citoyens dans leurs institutions. Elle alimente aussi le discours des partis qui dénoncent l’hypocrisie des élites, à commencer par l’extrême droite et les forces populistes.

Mais l’effet le plus immédiat concerne la droite traditionnelle, prise en otage par son propre réflexe de défense. En soutenant massivement Sarkozy, ses responsables se coupent d’une partie de l’opinion qui attend des actes clairs contre la corruption et les financements occultes. La volonté de protéger l’un des leurs risque de se transformer en fardeau collectif.

Le 13 octobre prochain, Nicolas Sarkozy connaîtra la date de son incarcération. Quelle que soit l’issue des appels et des procédures à venir, le symbole est gravé : un ancien président de la République française, reconnu coupable d’association de malfaiteurs, condamné à de la prison ferme.

Pour ses partisans, il restera une victime expiatoire d’une justice instrumentalisée. Pour beaucoup d’autres, cette affaire incarne clairement l’idée que nul n’est au-dessus des lois. Mais pour la démocratie française, elle constitue avant tout un avertissement : l’opacité des financements politiques et les arrangements douteux avec des régimes autoritaires peuvent, tôt ou tard, finir devant les juges.

 

sfy39587stp16