Algérie : le fils du colonel Amirouche réagit au livre-mémoires de l'ancien président Chadli Bendjedid
Par N.TPublié le
mediaterranee.com publie intégralement l'interview de Nordine Aït Hamouda, fils du colonel Amirouche, parue dans l'édition du Soir d'Algérie datée du 25 octobre.
Les bonnes feuilles des mémoires de feu le président Chadli Bendjedid publiées par la presse ont suscité curiosité mais aussi des brins de controverses. Depuis hier en librairie, le tome 1 de ces mémoires a suscité le commentaire sans complaisance de Nordine Aït Hamouda, le fils du colonel Amirouche tombé en martyr, en compagnie de Si El Houès, au Djebel Thameur en 1959. Parlant de la mort des deux colonels, Chadli s’est limité à évoquer des circonstances mystérieuses. Pour Nordine Aït Hamouda, Chadli sait mais n’a pas voulu dire.
Le Soir d’Algérie: dans ses mémoires qui viennent de sortir en librairie, le défunt président Chadli Bendjedid évoque la mort des colonels Amirouche et Si El Houès. Il dit qu’ils sont morts dans des circonstances mystérieuses. Quel sentiment vous procure cette affirmation ?
Nordine Aït Hamouda: Voilà un président de la République qui semble ne pas savoir ce que tout le monde sait. La vérité, c’est que nos hommes politiques sont incapables d’assumer des faits historiques.
J’ai lu quelques passages du livre et j’ai noté que le président Chadli tresse une gloriole pour la base de l’Est. Ceci alors que d’aucuns savent que celle-ci a refusé de reconnaître le Congrès de la Soummam et ses résolutions. Mais encore, elle a refusé de se mettre sous l’autorité de la Wilaya II. Au moment où Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi et Krim Belkacem organisaient le Congrès de la Soummam, qui est le fondement de l’Etat algérien, les gens de la base de l’Est créaient une structure autonomiste dans le seul but de s’octroyer des postes. C’est ce qu’ils ont fait de 1956 à nos jours. Pour dire vrai, la base de l’Est est une hérésie. Imaginez un moment quels auraient été les réactions et les commentaires aujourd’hui si la Wilaya III avait refusé de reconnaître les structures de la Révolution ! Mais en définitive, je dirais que je ne m’attends pas à des révélations de la part du président Chadli. Il ne dira rien. Chacun tient l’autre par la barbichette. Lorsque Mehdi Chérif a évoqué, dans une émission qui devait être diffusée par Ennahar TV, la liquidation des colonels de la Wilaya I par Boumediène et Boussouf, Ahmed Bencherif, encore vivant, a menacé de faire des révélations. Le pouvoir a aussitôt réagi et a ordonné la censure de l’émission.
Le défunt président Chadli dit aussi avoir découvert les dépouilles des deux colonels dans la cave du Commandement général de la Gendarmerie nationale et qu’il a ordonné de suite leur inhumation au Carré des Martyrs à El Alia.
Chadli n’a pas découvert les dépouilles d’Amirouche et si El Houès dans les caves du Commandement général de la Gendarmerie nationale. C’est moi qui l’ai informé. Cependant, il a le mérite d’avoir assumé l’acte politique. Je dois relever qu’il n’est pas allé au bout de la vérité. Je pense qu’il avait peur de dire qui sont les auteurs de cette séquestration, de ce crime. Il semblerait que le chef de l’Etat soit l’Algérien le moins informé. Je pense que s’il n’est pas allé jusqu’à en nommer les auteurs, c’est parce qu’il avait lui-même peur des réactions. Il a craint, à mon avis, la réaction d’Ahmed Bencherif qui, assurément, a lui aussi des choses à dire sur lui qui était impliqué dans le procès du colonel Chaâbani. Nous sommes le seul pays au monde où le chef de l’Etat déchargé de ses fonctions officielles peut passer 20 ans sans dire un mot sur ce qui se passe dans le pays. Le président Chadli est resté silencieux au moment des massacres des populations par les terroristes. Il est demeuré sans voix, comme s’il en voulait au peuple. Je ne comprends d’ailleurs pas que d’anciens présidents ou des anciens chefs de gouvernement, à l’instar de Hamrouche, Benflis ou encore Ouyahia, une fois libérés de leurs charges, se résignent au silence. C’est à croire qu’ils sont là juste pour gouverner. La vie politique, ce n’est pas cela. Depuis 1962, c’est en fait la même clique, la même famille et la même secte qui gouverne.
S. A. I.
Ce qu’a écrit Chadli
«En 1959, alors qu’il se rendait dans ce pays pour faire le point sur la situation avec le gouvernement provisoire, il tomba en martyr avec le colonel Si El Houès au mont Thameur, dans des conditions mystérieuses. Le sort a voulu que je sois celui qui allait découvrir – j’étais alors président de la République – que les corps d’Amirouche et Si El Houès se trouvaient dans une cave du commandement général de la Gendarmerie nationale. J’ordonnai alors, sans attendre, qu’ils soient inhumés au Carré des Martyrs à El Alia.»