Algérie. « Ni Etat militaire, ni pouvoir mercenaire ! »

Les Algériens ne désespèrent pas de provoquer un changement radical et d’ouvrir la voie à une deuxième République dans un Etat de droit. Toujours et encore dans la rue le vendredi, ils dénoncent l’attitude de l’armée qui protège les résidus du régime d’Abdelaziz Bouteflika

Plus que jamais déterminé à provoquer la chute du régime de Bouteflika, toujours en place malgré la démission de ce dernier, le mouvement populaire Algérien, boucle sa 10ème journée de mobilisation nationale depuis le 22 février.

Ils sont encore des millions dans la rue ce vendredi 25 avril, dans les capitales régionales, dans les villes moyennes et jusque dans les petites agglomérations.

Pas d’affrontements avec les forces de police, pas de casse, pas d’incidents notables… les marches se déroulent partout dans le calme, rythmées seulement par les slogans.

A Alger, la foule est aussi dense que les vendredis précédents. Les gendarmes sont pourtant positionnés sur toutes les voies d’accès à la ville depuis l’aube. La tentation répressive reste perceptible, mais les agents ne passent pas à l’acte. Ils ne reçoivent sans doute pas d’ordres, mais sont aussi comme neutralisés par le pacifisme des manifestants et les élans de sympathie dont ils font preuve.

Sur la place-Audin, au cœur d’Alger, des « gilets orange » forment un cordon de sécurité empêchant tout contact avec les policiers amassés à l’entrée du tunnel des facultés. C’est à cet endroit qu’avaient eu lieu, il y a quinze jours, des jets de gaz lacrymogènes provoquant des mouvements de foules où se trouvaient des familles avec des enfants.

Ces agissements soulèvent l’indignation dans l’opinion. « Nous protègeront les marches » promet alors le chef d’Etat-major, vice-ministre de la Défense, Gaïd Salah. Et c’est précisément lui qui fait depuis lors l’actualité.

Ses sorties médiatiques entre deux vendredis sont très écoutées. Les Algériens en attendent des décisions fortes. Ils espèrent voir l’institution militaire pousser vers la sortie le président par intérim, Abdelkader Bensalah (ex-président du Sénat) et le Premier ministre Noureddine Bedoui, tous deux fidèles inconditionnels d’Abdelaziz Bouteflika, posés là comme des mines sur le chemin de la deuxième République.

Mais le général laisse tout juste percer de vagues espoirs d’une telle rupture. Il évoque abondamment les liens entre le peuple et son armée dans une superbe langue de bois, sans plus. Il espère à l’évidence que la poignée d’oligarques embastillés ces derniers jours, pour des soupçons de corruption, va refroidir le mouvement, que les citoyens vont fermer l’œil sur le maintien du système.

Du coup, la colère monte. De nombreux maires annoncent qu’ils n’organiseront pas le scrutin présidentiel fixé au 4 juillet prochain. Les ministres en visite sur le terrain sont accueillis à coup de « dégage ». Les étudiants sont de plus en plus nombreux à manifester tous les mardis, malgré la forte présence policière.

Les Algériens ont en fait le sentiment d’être floués, d’être menés en bateau. Ce vendredi le général en prend pour son grade. « L’armée nous appartient et Gaïd Salah nous a trahi ! », « Gaïd Salah assez de mensonges et de malheur !», dénonce-t-on dans les rangs des manifestants à Alger.

« Ni Etat militaire, ni pouvoir mercenaire », scande-t-on surtout, soupçonnant le patron de l’armée, proche des Emirats et de l’Arabie Saoudite, de se rêver dans la peau de l’Egyptien Abdel Fatah al-Sissi.

La révolution algérienne est à un tournant.

Source: humanite.fr