Alexandre Stankovic et Emir Kusturica: un entretien sur les hauteurs de Mokra Gora
Alexandre Stankovic (lire Stankovitch), journaliste de HTV, Radiotélévision croate, ne s'attendait sûrement pas au terrible scénario que lui a préparé Emir Kusturica.
Il y a quelques jours l'équipe est venue dans son village Drvengrad, connu en Occident sous le nom de Kustendörff, situé sur les hauteurs de Mokra Gora (La Montagne Mouillée), en Serbie, avec l'intention d' enregistrer l'interview pour la célèbre émission : "Le Samedi à deux heures".
Stankovitch a d'abord demandé au réalisateur, actuellement en tournage du long métrage intitulé "Pancho Villa", avec Salma Hayek et Johnny Deep dans les premiers rôles, pourquoi avoir bu le whisky avec l'ex-président Miloshevitch, durant le siège de Sarajevo, sa ville natale.
Kusturica a avoué de ne pas avoir eu la possibilité de choisir. A l'époque, il a obtenu sa deuxième Palme d' Or, à Cannes et le peuple serbe, ravi et fier de ce succès, l'a célébré, durant des jours.
Le journaliste a remarqué qu'il aurait pu refuser, comme tout homme libre!
Immédiatement Kusturica a perdu son selfcontrôle et insulté toute l'équipe, en menaçant son interlocuteur. Ils ont, malgré tout, repris la conversation après dix minutes d'interruption.
Le metteur en scène a souligné avoir voulu montrer le côté tendre de ce dictateur, dont il faut souligner qu'il fut surtout l' un des initiateurs de génocide, aux Balkans.
Selon lui, Miloshevitch a depuis sa prison à la Haye, souvent envoyé les messages d'amour à sa femme Mira.
Stankovitch voulait savoir, s'il aurait eu tant de compatissance pour Hitler, qui a exprimé certaines émotions pour Eva Braun et donné beaucoup d'affection, à son chien!
Kusturica a rétorqué que l'ex-chef du gouvernement serbe n'avait jamais été condamné.
Persistant, Stankovitch a remarqué qu'Hitler, lui non plus, n'avait pas été condamné. Il voulait savoir si Kusturica considérait qu'ils étaient tous deux innocents.
A cela, le réalisateur n'a pas répondu mais, selon des témoins, il est devenu très nerveux.
La question suivante fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase: elle portait sur Gotovina, le criminel de guerre croate et la chanson que celui-ci lui avait dédié. Emir le "Serbe" Le metteur en scène s'est levé en criant :"Dehors"!
Tout le matériel a été confisqué, mais rendu à RTH durant la semaine suivante, après de multiples interventions de responsables de tout bord.
"Il est venu faire le scandale"! Kusturica ne s'est pas arrêté là.
La presse serbe ne cesse pas de publier , en long et en large, son point de vue sur l'événement. Les journaux ont édité des propos très confus et rancunieux. Les habitants de Balkans ont appris que le réalisateur avait interrompu l'entretien tant médiatisé, à cause de la "mauvaise foi" du journaliste :
"J' ai accueilli les membres de la télévision croate très poliment en essayant, une fois pour toutes, d'arrêter leurs déloyales intentions, longtemps entretenus à mon sujet. Leur arrivée a été une occasion inattendue, d'exprimer ma propre vérité"!
Emir Kusturica est persuadé que le journaliste croate (qui est, en fait, un orthodoxe de Zagreb) a profité de l'interview pour réduire son exceptionnelle biographie à un épisode presque inconnu.
"La conversation s'est mal passée puisque le journaliste a eu l'intention de présenter ma riche vie, comme un fait divers, se déroulant entre les scandales et la politique! Cela ne m'a pas convenu et j'ai interrompu l'entretien."
"En plus, ce journaliste incarne la base de la bêtise, qui gouverne des fausses élites, à Sarajevo. Il est venu faire des incidents qui prolongent la "chasse aux sorcières" organisé à la-bas. Les habitants de cette ville, durant les années dessinent l'image symbolique, d'un criminel qui boit du whisky, durant leur mise à mort".
Le réalisateur a aussi souligné, que sa ville natale, vit dans l'absurdité la plus totale.
"Après la chute de Berlin, à Odzak, une petite ville aux environs de la capitale, dont le nom signifie La Cheminée, les Musulmans l'ont encore défendu!
Les Alliés sont entrés à Berlin, mais les Musulmans bosniaques ont continué à se battre pour La Cheminée! Cela illustre leur constant malentendu avec eux-mêmes. Mes films fonctionnent à un degré qui leur échappe. A vrai dire, ils n'ont pas besoin d' autres raisonnements. Leur manière de penser s'est formée dans la vallée où il vivent. D'accord, je n'ai rien contre. Mais des idées de leur fausse élite ont connu un vrai crash. Ils n'ont pas su renouveler la société multi-ethnique d'avant guerre. Parmi les Musulmans de Bosnie-Herzégovine, il n'y a personne qui pourrait plaire aux Serbes ou aux Croates. Sarajevo- a conclu Kusturica -vit dans une sorte de cul- de- sac".
Il faut beaucoup de force pour se retrouver dans ces sujets, pourtant si explicites. Mais il ne faut pas chercher leur sens. Apparemment il n'existe pas!