France : le port de la burqa débouche sur une controverse politique via la polygamie
La polygamie présumée du conjoint d’une femme verbalisée pour port du voile intégral au volant suscite une controverse politique, le tout sur fond de projet de loi contre la burqa, promis par Nicolas Sarkozy.
L'affaire débute vendredi 23 avril lorsqu’ une jeune femme de 31 ans, résidant près de Nantes (Loire-Atlantique), organise une conférence de presse afin de contester une contravention de 22 euros pour port du voile intégral au volant.
Premier rebondissement : alerté par la préfecture, le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, saisit le jour même par courrier Eric Besson, ministre de l'immigration et de l'intégration, pour évoquer des soupçons de polygamie et de fraudes aux allocations qui pèseraient sur le conjoint de la jeune femme, présent à la conférence de presse.
Brice Horteufeux souhaite l’examen des conditions dans lesquelles ce dernier, Liès Hebbadj, pourrait être déchu de sa nationalité française, sachant que la polygamie est une pratique interdite en France.
Les conditions pour « déchoir » une personne de sa nationalité sont très strictes et régies par l'article 25 du code civil. Seul un crime ou un délit tel que l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou le terrorisme peuvent le permettre.
La perte de la nationalité française est toutefois possible s'il est démontré qu'elle a été obtenue par « mensonge ou par fraude », conformément à l'article27-2 du Code civil.
Attisée par ces faits, la controverse s’emballe aussitôt. L’opposition dénonce la tournure politique que prennent les évènements.
Selon François Hollande, ex Premier secrétaire du Parti Socialiste (PS), il s'agit d'un seulement d’un « fait divers, qui mérite qu'on aille jusqu'au bout des investigations. Et le ministre de l'Intérieur a voulu faire de la politique ».
Marie-George Buffet, secrétaire nationale du Parti Communiste Français (PCF), dénonce de son côté « une opération politicienne du plus mauvais goût »
Dans la majorité (Union pour un Mouvement Populaire, UMP) les prises de positions en faveur de Brice Hortefeux se multiplient.
Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, estime que « ce qu'a dit Brice Hortefeux est frappé au coin du bon sens et rappelle qu'en France, il y a des droits et des devoirs ».
M. Hortefeux a enfin reçu le soutien de Jean-Marie Le Pen (Front National): « Les caisses sociales françaises sont pillées littéralement par des milliers, des dizaines de milliers de gens qui profitent indûment de nos législations », a déclaré le président du parti d’extrême droite.
Le fait divers de la contravention intervient dans un contexte d’accélération du processus d’adoption d’une loi d’interdiction totale du voile intégral.
Le Premier ministre François Fillon a reçu lundi matin le président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) Mohammed Moussaoui, et certains dirigeants de cet organisme, dans le cadre de ses consultations sur le projet de loi.
François Fillon a également reçu, lundi après-midi et à leur demande, les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, lesquels sont opposés au recours de la « procédure d’urgence » pour faire passer le texte de loi.
M. Fillon ne s’est pas exprimé au sujet de la femme verbalisée pour port de niqab en voiture et de la polygamie présumée de son conjoint. Selon les observateurs, il tente d’apaiser le débat et d’éviter un sentiment de stigmatisation dans la communauté musulmane.
Nombre de commentateurs estiment enfin que ces nouveaux rebondissements autour du port du voile intégral, ainsi que l’attitude du gouvernement Français, présentent le risque de donner du grain à moudre aux extrémistes de tout bord.
La mosquée d'Istres (Bouches-du-Rhône) a été la cible d'un mitraillage dans la nuit de samedi à dimanche. Une trentaine d'impacts ont été relevés sur les murs du bâtiment.
Les tirs n’ont pas été revendiqués. Mr Fillon a exprimé lundi sa « vive émotion » devant des membres du Conseil français du culte musulman (CFCM).