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Les relations Syro-libanaises : une lecture à la lumière des enjeux (analyse)

La visite de Michel SLEIMANE, Président de la république libanaise, à Damas les 13 et 14 août 2008 a pu être qualifiée d’historique en ce qu’elle constituerait une « normalisation » des relations diplomatiques entre les deux pays. L’ouverture de représentations diplomatiques, une première, est prise à titre principal comme point d’appui de cette analyse.

Néanmoins, il convient de préciser que même en l’absence de représentations, des contacts diplomatiques directs ont toujours existé entre les deux pays. D’ailleurs, l’ancien président du Liban Emile LAHOUD était encore en visite à Damas en 2005.

Cette visite de Michel SLEIMANE n’est donc pas la première historique. Elle n’en constitue pas moins le premier signe tangible d’amélioration des relations entre les deux pays depuis l’assassinat du Premier ministre libanais Rafik Hariri en 2005.

Assassinat qui fut alors imputé (sans preuve…) aux services de renseignements syriens. De plus, à la différence de bien des visites précédentes, elle apparaît comme concrétisant la volonté de deux Etats souverains d’entretenir des relations de bon voisinage sur un pied d’égalité.

Une volonté qui tranche donc côté syrien avec le déséquilibre qui a marqué les dernières décennies, avec un Liban perçu par Damas comme un protectorat (surtout depuis les accords de Taëf en 1989).

Dans le prolongement de l’accord de Doha, qui a mis fin à une grave crise politique source d’affrontements armés au Liban, la visite de Michel SLEIMANE va dans le sens de la volonté de l’opposition libanaise de voir s’instaurer des relations « normales » de voisinage.

C’est sur cette base que s’est d’ailleurs effectué le rapprochement entre Michel AOUN, pourtant historiquement un des principaux contradicteurs de la présence syrienne au Liban depuis la fin des années 80, et le Hezballah. Cette position pragmatique semble aujourd’hui en phase avec les aspirations d’une population lassée de la surenchère verbale de la majorité anti-syrienne par laquelle elle cherche à masquer une inefficacité politique patente.

Des diatribes anti-syriennes qui servent de manœuvre de diversion, donc : la Syrie sert ici de bouc-émissaire pour masquer la concentration des pouvoirs entre les mains d’une faction depuis la fin de la guerre civile, la confusion entre intérêts privés et intérêt public et la corruption qui en découlent, l’endettement colossal du pays, la grave dégradation de la situation socio-économique, etc.

Car ceux des politiques libanais qui font aujourd’hui feu de tout bois pour stigmatiser la Syrie ont tous été à un moment ou à un autre des alliés voire des supplétifs de la Syrie. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes… A commencer par Walid JOUMBLAT, dont le père à sans doute été assassiné par les services de renseignements syriens mais qui a ensuite dans les année 80 et même 90 été aligné sur les intérêts syriens.

Que dire des partis de la droite chrétienne, à l’appel desquels (on l’oublie trop souvent…) la Syrie était rentrée au Liban en 1976 pour empêcher Kamal Joumblat et ses alliés palestino-progressistes de s’installer au pouvoir à Beyrouth. Enfin, Rafik Hariri a été au pouvoir quasiment sans discontinuer depuis la fin de la guerre civile : ses partisans du « Courant du futur » et lui ont donc gouverné le pays pendant plus d’une décennie sans remise en cause de la présence militaire syrienne.

Une présence militaire qui avait d’ailleurs été entérinée par les principaux acteurs politiques libanais, mais aussi par les puissances occidentales et par les autres puissances régionales (en échange de sa bienveillante neutralité dans la Guerre du Golfe qui s’engageait alors), lors de l’accord de Taëf destiné à mettre fin à la guerre civile libanaise.

Un accord qui ne prévoyait toutefois cette présence militaire qu’à titre transitoire. Mais le provisoire a duré, entraînant une exaspération parmi les Libanais puis l’explosion de colère anti-syrienne suite à l’assassinat de Rafik Hariri en 2005.

Assassinat sur lequel il convient de souligner que, une fois passée l’émotion du moment, beaucoup d’interrogations ont émergées au sein de la population libanaise quant aux responsabilités réelles. Objectivement, cet assassinat n’allait pas du tout dans le sens des intérêts syriens au Liban.

La suite l’a d’ailleurs prouvé. D’autres hypothèses sont évoquées désormais, orientant vers les services secrets israéliens voire américains, dans le but de déstabiliser le Liban et nuire à la Syrie, ou encore des éléments saoudiens avec lesquels Rafik Hariri était en affaires et qui se seraient estimés floués.

Enfin, il convient de se pencher sur un point en particulier des discussions qui ont eu lieu à Damas entre les présidents libanais et syrien : celui de la délimitation précise des frontières entre les deux pays.

En effet, cette acceptation de la délimitation des frontières semble mettre fin aux tendances irrédentistes qui ont souvent eu un fort écho à Damas. En effet, la création du « grand Liban » par la puissance mandataire française, qui a correspondu à une extension du territoire libanais au détriment de la Syrie a longtemps été contestée avec plus ou moins de virulence par la Syrie.

D’autant plus qu’elle a conduit à inclure dans les frontières libanaises une population (musulmane mais aussi chrétienne non-maronite, en particulier grecque orthodoxe) qui ne s’est longtemps pas reconnue comme libanaise et a continué à entretenir ses affinités avec la Syrie ensuite. Y compris politiquement en cultivant pendant des décennies ses tendances pansyrienne voire panarabiste.Tendances qui alimentaient elles-mêmes les tentations interventionnistes syriennes au Liban.
Aujourd’hui, cette tendance est devenue marginale, surtout depuis l’assassinat de Rafik Hariri, qui se revendiquait encore comme « nationaliste arabe ». Son parti, le « Courant du futur », toujours dominant dans la communauté sunnite, a alors connu une dérive pro-occidentale et anti-syrienne.

Un positionnement en contradiction avec la tradition politique de la communauté sunnite, plutôt tournée vers l’Orient. Inversement, le positionnement du « Courant patriotique » de Michel AOUN, parti dominant dans la communauté maronite, se place dans une reconnaissance tacite de l’arabité du Liban qui rompt en partie avec le particularisme fort et tourné vers l’Occident qui a longtemps caractérisé cette communauté.

Néanmoins, malgré ces évolutions notables et ses éléments de régénération, le débat reste pour les Libanais la place de leur pays au confluent de l’Orient et de l’Occident. Et en particulier les relations avec l’Orient proche que constitue la Syrie.

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