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Hommage: Mahmoud Darwish, des mots ciselés dans la douleur de l'espoir

Il y a un an disparaissait le poète palestinien Mahmoud Darwish. Il a laissé un grand vide culturel en Palestine occupée et dans les milieux culturels progressistes arabes. Mondialement connu, Darwich, orfèvre irremplaçable, avait su ciseler des mots pour exprimer la douleur du peuple palestinien : « sortez de notre terre/ de notre terre ferme, de notre mer/de notre blé, de notre sel, de notre blessure… » écrivait-il en 1988 au tout début de l’Intifada. Des mots plus que jamais actuels à l’heure de la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et du siège diabolique de Gaza.

Mahmoud Darwish est mort le 09 aout 2008 à l'âge de 67 ans, dans un hôpital américain, à la suite d'une opération chirurgicale à coeur ouvert.

Le poète avait donné un récital à la mi-juillet au théâtre Antique d'Arles avec les frères Joubran. A l’invitation d’Actes Sud et des Suds, il a lu ses poèmes sur la scène du théâtre Antique en compagnie du trio Joubran et de Didier Sandre qui redonnait ses odes en français. L’article de Sarah Maurières en hommage au grand poète.

Il est difficile pour un poète, palestinien de surcroît, de parler de son oeuvre sans aborder la souffrance du peuple auquel il appartient. Mais il refuse d’être un symbole, « c’est au lecteur d’interpréter les poèmes comme il les ressent » explique Mahmoud Darwish, qui venait pour la première à Arles pour un récital. Il repousse l’idée qu’on puisse le lire sous un angle de politique nationale.

Il a été question de tout cela dimanche matin à l’Hôtel Nord Pinus. « Je souhaite que l’on parle de moi comme un poète de Palestine et pas comme un poète palestinien ». Toute la nuance est là. Même si la condition de son peuple indissociable avec ses propres inspirations ; les mots, le rythme la musique font partie intégrante eux aussi de sa vie. C’est ainsi qu’il compose.

Et son talent et à l’image de son œuvre  : foisonnante, alors pour Arles, en vue de cette lecture il a fait un choix en s’adaptant à la langue de réception du public : « le choix des poèmes je l’ai fait en commun accord avec Didier Sandre. Je me calque au français. J’ai voulu que cette sélection soit représentative de mon évolution de ces dernières années et qu’elle traite de thèmes différents. Mais vu l’ambiance du théâtre antique j’ai souhaité lire des poèmes plutôt courts ».

Les grands thèmes qui traversent tous les courants poétiques ont titillé aussi d’une manière ou d’une autre l’inspiration de l’artiste. La vie, la mort, l’amour, l’éclosion d’une fleur d’amandier pour ne citer que cette image qui habite Mahmoud Darwish depuis des années. Pour lui, la poésie est avant tout un rythme, une cadence c’est ce qui fait son âme ce qui la rend vivante.

Et quoi de mieux que le luth dont les notes magnifiées sous les doigts des frères Joubran pour mettre en partition ces vers, qui coulent de la bouche de Didier Sandre, comme une fontaine où la beauté a trouvé un écrin pour s’épandre.

Pour Mahmoud Darwish la musique est indissociable de la poésie « dans les thèmes, je préfère toujours que ce soit des sujets universels, qui peuvent intéresser tout être humain dans le monde et j’essaie dans la forme de montrer la cadence de ma poésie, sa musicalité».

Après quelques minutes de lecture Mahmoud Darwish, plutôt timide qu’extraverti, ne se sent plus étranger, dans une communion où les mots balaient les frontières, l’art prend tout son sens et résonne pour un chant universel où les barrières linguistiques sont levées.

C’est là, toute{mosimage} la magie de la poésie, de la sienne, cette essence qui fait que même si l’on ne comprend tous les mots, on en saisit la quintessence. « Il faut traduire le vocabulaire en musique, c’est très difficile mais il faut toujours tendre vers cet idéal, car ainsi, la poésie est purifiée » précise le poète.

Les frères Joubran, il les connaîissait depuis plus de 10 ans, croisé en France lors d’un festival à Aix. «Ce fut un hasard étrange. J’ai connu Samir en premier. Je l’ai vu sur scène, j’ai rencontré ce garçon modeste, je l’ai aimé. Je lui ai demandé d’intervenir dans mon récital» explique Mahmoud Darwish, qui par ailleurs se délecte de musique classique. Beethoven quand il a envie d’énergie, et Chopin, pour les moments de sérénité. Et pour nous la symphonie Darwish fut une féerie de bonheur

Merci à Farouk Mardam-Bey pour sa brillante traduction.
Les œuvres de Mahmoud Darwish sont à découvrir chez Actes Sud


Poèmes choisis


Il fut ce qu’il aurait été (extrait)
Je ne rêve maintenant de rien.
Je désire désirer.
Je ne rêve maintenant que d’harmonie.
Désirer
Ou
Disparaître
Non. Ces temps ne sont pas mes temps.


La prison
Mon adresse a changé.
L’heure de mes repas,
Ma ration de tabac, ont changé,
Et la couleur de mes vêtements, et mon visage et ma silhouette.
La lune,
Si chère à mon cœur ici,
Est plus belle et plus grande désormais.
Et l’odeur de la terre : parfums.
Et le goût de la nature :douceurs
Comme si je me tenais sur le toit de ma vieille maison,
Une étoile nouvelle,
Dans mes yeux, incrustée.


Le poème de la terre
En mars, l’année de l’intifada, la terre
Nous a divulgué ses secrets sanglants. En mars, cinq fillettes sont passées devant les lilas et les fusils.
Debout à la porte d’une école primaire, elles se sont enflammées de roses et de thym de pays. Elles ont inauguré le chant du sable. Sont entrées dans l’étreinte définitive . Mars vient à la terre des entrailles de la terre, il vient, et de la danse des jeunes filles. Les lilas se sont légèrement courbés pour que passent les voix des fillettes. Les oiseaux ont tendu leur bec en direction de l’hymne et de mon cœur .
Je suis la terre
Et la terre c’est toi
Khadija ! ne referma pas la porte.
Ne pénètre pas dans l’oubli.
En mars, cinq fillettes sont passées devant les lilas et les fusils.
Elles sont tombées à la porte d’une école primaire. Sur les doigts, la craie prend les couleurs des oiseaux . En mars la terre nous a divulgué ses secrets.Je suis le témoin du massacre,
Le martyr de la cartographie,
L’enfant des mots simples.
J’ai vu les gravats, ailes,
Et vu la rosée, armes.
Lorsqu’ils ont refermé sur moi la porte de mon cœur,
En moi dressé les barrages,
Instauré le couvre feu,
Mon cœur est devenu une ruelle,
Mes côtes, des pierres.
Et l’œillet est apparu,
Apparu l’œillet.


La terre nous est étroite
(1986)
La terre nous est étroite. Elle nous accule dans le dernier défilé et nous nous dévêtons de nos membres pour passer.
Et la terre nous pressure. Que ne sommes-nous son blé, pour mourir et ressusciter.
Que n’est-elle notre mère pour compatir avec nous. Que ne sommes-nous les images des rochers que notre rêve portera,
Miroirs. Nous avons vu les visages de ceux que le dernier parmi nous tuera dans la dernière défense de l’âme.
Nous avons pleuré la fête de leurs enfants et nous avons les visages de ceux qui précipiteront nos enfants par les fenêtres de cet espace dernier, miroirs polis par notre étoile.
Ou irons-nous, après l’ultime frontière ? où partent les oiseaux, après le dernier
Ciel ? où s’endorment les plantes, après le dernier vent ?
nous écrirons nos noms avec la vapeur
Carmine, nous trancherons la main au chant afin que notre chair le complète .
Ici, nous mourrons. Ici, dans le dernier défilé. Ici ou ici, et un olivier montera de
Notre sang.


Je dis tant de choses
Je dis tant de choses sur la différence ténue entre les femmes et les arbres,
Sur la magie de la terre, sur un pays dont je n’ai trouvé le tampon sur aucun passeport
Et je demande : mesdames et messieurs aux cœurs bons,
La terre des hommes est-elle, comme vous l’affirmez, à tous les hommes ?
Où alors ma masure ? et où suis-je ?l’assemblée m’applaudit
Trois autres minutes. Trois minutes de liberté et de reconnaissance…l’assemblée vient d’approuver
Notre droit au retour, comme toutes les poules et tous les chevaux, à un rêve de pierre.

Je leur serre la main, un par un, puis je salue en m’inclinant…et je poursuis ce voyage

Vers un autre pays, où je dirai des choses sur la différence entre mirages et pluie
Et demanderai :mesdames et messieurs aux cœurs bons, la terre des hommes est-elle
A tous les hommes ?

Que ferons –nous de l’amour ? tu as dit

Pendant que nous rangions nos vêtements dans les valises.
L’emporterons-nous, le laisserons-nous suspendu dans l’armoire ?
J’ai dit : qu’il parte où bon lui semble
Car il a grandi et s’est propagé.

Je t’étreins jusqu’à disparaître, blanche brune.
Je disperse ta nuit puis je te ramasse, toute …
Rien en toi n’excède ou ne manque à
Mon corps.
Tu es ta mère et sa fille
Et tu nais ainsi que tu le réclames à Dieu…

Video1

Mahmoud DARWISH:  "Passants parmi des paroles passagères"

Video 2 :

Mahmoud DARWISH  et Judith LERNER                                            

 Vidéo 3

Marcel  Khalifa: hommage à Mahmoud Darwish

 

 

 

 

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