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Reportage: le Paradis est sur terre, on peut le visiter

 Des pêcheurs à l'écluse du canal de Tinja. (Photo M.B.)Photo: Maurice BrandiTunisie: Le lac d'Echkeul et son parc naturel suscitent l'intérêt. Un site classé patrimoine mondial de l'UNESCO.

Avec Habib, le directeur du Parc national d'Ichkeul, près de Bizerte, nous sommes assis sur deux souches d'arbres, contemplatifs devant la splendeur du spectacle offert par la nature. Pas un mot d'échangé. Nous n'en ressentons pas la nécessité. Le silence règne sur le djebel.

Sans doute craignons-nous de déranger, en contrebas sur le lac, les flamants roses venus de Camargues, les oies cendrées, canards et foulques venus d'Europe centrale et du nord.

En revanche, notre guide devient bavard dès qu'il prend le volant de son 4X4. Avec passion, il raconte l'histoire du lac, les oiseaux, les plantes etc., les problèmes qu'il pose aux hommes. "Il a été classé au patrimoine mondial de l'UNESCO et puis déclassé en 1996 pour le redevenir en 2006. Mais pour cela il a fallu procéder à des études. Soixante scientifiques se sont penchés sur la question".

En effet, la politique gouvernementale de construction des barrages, nécessaires pour une meilleure gestion de l'eau douce pour la population, a provoqué un déséquilibre écologique qui menace la migration des oiseaux, la flore et la faune d'Ichkeul.

"Conseillés par des chercheurs, nous avons réalisé une écluse à la sortie du lac, à Tinja. Elle permet de mieux contrôler la salinité de l'eau. Quand il y a sécheresse, on ferme l'écluse. Quand il y a risque d'inondation, on l'ouvre", explique Habib Ghazouani, directeur du Parc. Un faucon pèlerin plane au-dessus de nos têtes. Tout à coup, il pique comme une pierre sur sa proie à une vitesse pouvant atteindre 280 km/h.

LE MYSTERE DU LAC

Le parc d'Ichkeul a été créé en 1980 et s'étend sur 12.600 hectares, au nord du pays, dans la plaine de Mateur. Trois paysages s'étalent sous nos yeux. Le lac occupe 8.500 hectares, le marais s'étend sur 2.727 hectares et le djebel couvre, lui, 1.663 ha. Cette zone humide a une importance hydrologique de tout premier plan et de portée internationale. D'abord, elle est reliée à la mer Méditerranée par le canal de Tinja et le lac de Bizerte. Il a donc un fonctionnement de type lac/marais.

En hiver, le lac est alimenté en eau douce par l'oued Joumine, l'oued Melah et l'oued Sejnane. Son niveau, alors, dépasse le niveau de la mer et l'eau douce inonde
progressivement les marais et crée ainsi une végétation très variée dont le scirpe, une herbe qui sert de nourriture aux canards et aux oies cendrées. Si le scirpe disparaît, les oiseaux migrateurs iront ailleurs. D'où l'importance de la gestion de l'eau entre les deux lacs.

En été, où il fait pas moins de 40°, l'eau d'Ichkeul s'évapore et le lac redescend en dessous du niveau de la mer, le courant dans le canal de Tinja s'inverse et amène de l'eau salée. La salinité des eaux du lac peut, alors, dépasser celle de la Méditerranée, ce qui met en péril l'éco-système, l'équilibre biologique du lac.

Habib Ghazouani arrête son 4X4, coupe le moteur, descend du véhicule et se plante au bord d'une falaise. Il a vu un regroupement de flamants roses. Il se met à lancer des "Aaah ! Aaah!" tonitruants en claquant des mains. En bas, le temps que le son arrive, les flamants ne bougent pas. Habib insiste. Et là, les oiseaux prennent leur envol, un spectacle féerique. Les dessous d'ailes rouges posent des tâches de couleurs sur un ciel tendu d'un bleu intense.

En permanence, Habib Ghazouani attire notre attention sur un animal ou une plante que nous n'avions pas remarqués. Ici, un faucon pèlerin, là le cri d'un chacal, ailleurs un câprier ou un caroubier.

Le parc recèle des trésors insoupçonnés :13 sortes d'orchidées, 22 types différents de mammifères, 180 espèces d'oiseaux et 12 de rapaces. Dans le lac, les scientifiques ont recensé 60 espèces de poissons dont des loups (bars), des muges et des anguilles. Le directeur du Parc National tient beaucoup, également, à maintenir une présence humaine. Ici, vit une centaine de familles d'agriculteurs. Ils élèvent des moutons et des buffles qui se baignent dans les marais.

Depuis un certain nombre d'années, des abeilles ont été introduites dans le parc. Chaque famille a reçu cinq ruches pour produire du miel.La présence de l'abeille favorise également la pollinisation des plantes.

Une équipe de scientifiques, sous la houlette de Mahmoud Douk, veille à l'hydrologie du lac. Trois analyses de l'eau sont effectuées quotidiennement sur trois sites différents en amont et en aval du canal de Tinja.

L'équipe procède également à des relevés mensuels au milieu du lac et tous les ans ils produisent un rapport sur sa situation hydrologique. Dans leur centre d'analyse, équipé d'un laboratoire en pointe des nouvelles technologies, ils reçoivent d'autres chercheurs et des étudiants tunisiens et étrangers qui préparent leur thèse.

Maurice BRANDI





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