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TUNISIE: Belle et longue descente vers Bizerte (REPORTAGE)

 Un paysage plus proche des Alpes que du désert à Tozeur. (Photo: Maurice Brandi)De Aïne Draham en Kroumirie à Tabarka puis Bizerte sur la côte. Un dénivelé saisissant de 1.300 mètres en 30 minutes.

Quand on pense Tunisie, on voit le désert et Tozeur, Douz, Djerba et Tataouine. Des maisons blanches aux trois plats écrasées de soleil. Images d'Épinal. Il suffit d'aller se promener dans le Nord-Ouest, dans la Kroumirie pour rencontrer une autre réalité. Une autre Tunisie, plus proche de l'image des Alpes de Haute Provence, s'offre aux touristes en quête d'"authentique", en fait et malgré les apparences, cette Tunisie là est plus dépaysante, plus déroutante.

Au bout de routes sinueuses, on arrive à Le Kef (Le Rocher), village accroché au flanc de la montagne. Puis, taillant toujours la route, on atteint Jendouba, la capitale de la région, ville administrative et universitaire. Entre temps, vous aurez longé de grands champs de blé, d'oliviers, de melons, séparés par de spectaculaires haies de figuiers de barbarie : vous êtes dans le grenier à blé de la Tunisie.

Vous ne serez pas encore au bout de vos surprises jusqu'à Aïn Draham, paradis des chasseurs de cerfs, sangliers et amateurs de champignons. Pendant la saison, n'hésitez pas, d'ailleurs, lors de vos promenades à cueillir quelques bolets, girolles et autres lactaires délicieux, le cuisinier de l'hôtel vous les accommodera à la tunisienne. La route serpente entre des sommets arides où s'accrochent les cultures. A l'automne les paysans, juchés sur leurs tracteurs, labourent une terre généreuse car visiblement bien grasse. Des vaches, des moutons, des pintades et faisans se promènent le long de la route nationale P17 au chœur de la Kroumirie en frôlant la frontière avec l'Algérie.

Et puis, le choc, à la sortie d'un virage, des forêts de pins aux troncs droits comme des I, plantés sur un plateau comme sur la tête de la chanteuse des années 80 Desirless. Des forêts entières de chênes zéens, cousins du chênes rouvre français, s'étalent à perte de vue.
Tel un bousier dévalant une pente, poussant devant lui son trésor, la route vous amène à Tabarka. En moins de 30 minutes on passe de 1.300 mètres d'altitude au niveau de la mer. Tabarka et ses plages de sable fin à perte de vue. Une nouvelle zone touristique en voie de développement. Son fort veille sur la ville, ses pêcheurs des îles Galites, petit archipel volcanique, idéal pour les amateurs de plongée, sont peuplées de pêcheurs de langoustes et de quelques viticulteurs.

L'Ancienne base militaire française

La P17 louvoie encore dans la montagne puis aborde de longues et larges plaines agricoles où l'on cultive le blé et les olives. Zone des oueds généreux contrôlés par des barrages. On longe le lac Ichkeul qui s'étale paisiblement sur 120 km2. Il est constitué, en alternance d'eau douce et d'eau salée car il communique en permanence avec le lac de Bizerte et la Méditerranée par le canal de Tinja. Chaque année le parc naturel est le rendez-vous de millions de canards siffleurs, d'oies et de sarcelles ainsi que des flamands, hérons, goélands et foulques.

Enfin, Bizerte. L'ancienne base militaire française mérite mieux que l'indifférence des touristes. Il faut se laisser porter par ses pas vers le petit port de pêche, où l'on croise quelques barques aux voiles latines. Enserrés par une haute muraille, la médina et son fort vous invitent à vous perdre dans le dédale de ses rues étroites et fraîches. Dans la torpeur d'un après-midi caniculaire, on trouve toujours un Bizertin pour nous ramener à notre point de départ ou pour le moins nous donner des indications, pas toujours très précises, mais dispensées de très bon cœur et finalement largement suffisantes. Se perdre c'est rencontrer un autre monde que le sien, l'occasion d'échanges et pourquoi pas de fraternisation.

Tout à coup, le silence s'abat sur la circulation routière, pourtant très dense. Les voitures s'arrêtent. Les chauffeurs coupent les moteurs. Les policiers saluent. Un corbillard passe, en fait un pick-up japonais, suivi par des hommes.

"C'est notre façon de montrer notre respect au mort, même si on ne le connaît pas. Pour les musulmans, la mort est une question importante. Nous n'en avons pas peur. Nous savons qu'elle est devant nous et que nous sommes tous égaux devant elle", nous raconte un passant devant notre étonnement et notre émotion. Qui sont les barbares ?

La vie reprend son cours. A l'ombre des parasols en palmiers tressés, le thé à la menthe et le café n'ont plus tout à fait la même saveur car les plages bizertines ont un charme fou, comme celle qui longe l'Hôtel Jalta sur la Corniche avec ses chambres "les pieds dans l'eau". Face à cette mer Méditerranée, sans cesse renouvelée par de lentes vagues paresseuses, jamais tout à fait la même, l'heure est à la méditation et à la rêverie.

TEXTE ET PHOTOS
MAURICE BRANDI


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