Tunisie: Dougga la populaire, Bulla Regia la nantie (Reportage)
Dougga et Bulla Regia dans le Nord Ouest de la Tunisie. Des sites archéologiques remarquablement conservés.
Carthage la commerçante. Dougga la plébéienne. Bulla Regia la patricienne. Des sites archéologiques époustouflants par leur conservation et remarquables à tout point de vue, tant en ce qui concerne le travail de réhabilitation que pour le respect de l'environnement et des lieux ou de la qualité d'accueil des touristes.
Dougga et son théâtre qui vous accueille dès l'entrée du site. On s'attendrait, presque, à voir surgir des gradins les spectateurs romains en toges blanches et les femmes couvertes de bijoux ou encore le Grec Ulysse sortant des thermes des Cyclopes.
Il y a quelque chose d'émouvant à tenter d'imaginer, in situ, la vie des Romains populaires ou nobles. Les traces de leur travail et de leur pouvoir se voient à l'œil nu. Les meules à huile d'olives sont encore en place, les fours attendent la prochaine fournée du boulanger. Les baignoires étuves et saunas sont prêts à vous recevoir pour un bain d'eau chaude ou de vapeur. On peut y voir encore les "latrines collectives" à deux, trois ou sept sièges. Un moyen comme un autre de créer du lien social.
Les Romains avaient déjà inventé le chauffage central grâce à un astucieux réseau de canalisations amenant la vapeur chaude de la "calderia" dans toutes les pièces de la maison. Et pour l'été, un ingénieux système de conditionnement de l'air par des tubes creux d'argile qui doublaient les plafonds. L'air arrivant par les fenêtres était rafraîchi par les citernes d'eau froide situées dans la maison. La rencontre entre l'air chaud de l'extérieur et le froid de l'eau des citernes créait une condensation dans ces tubes et permettait de bénéficier d'une température agréable.
Au cœur de la cité romaine
En flânant sur les 25 hectares de la cité romaine, vous aurez envie d'aller vous reposer à l'ombre du temple de Junon Caelestis ou dans la Maison du Trifolium et ses pièces en formes de trèfle, connue surtout pour ses plaisirs libertins. En témoigne son emblème qui représente un phallus et des seins de femmes sculptés dans la pierre. Une maison close sans doute construire au cours du IVème siècle.
Vous prendrez les grandes avenues pour aller au théâtre à l'acoustique impressionnante en passant sous l'arc de l'Empereur Septime Sévère (146-211). Ou peut être encore aller discuter politique ou philosophie sur le Forum ou le superbe Capitole afin de connaître les dernières décisions des magistrats romains, les édiles. Sur la route de la maison "Omnia tibi Felicia" , il vous sera permis de faire une halte au marché pour y acheter quelques fruits et légumes de saison. Une fois la visite à vos amis terminée, prenez votre char et empruntez la voie romaine qui relie Dougga à Carthage en passant par Bulla Regia. Sachez que cette voie, construite par les Romains, préfigure l'autoroute du Maghreb qui relierait la Tunisie au Maroc en passant par l'Algérie.
La large voie romaine dont on voit les plus belles traces à Bulla Regia, servait, pour l'essentiel au commerce. L'exportation vers Rome du blé, de l'huile d'olive et d'animaux sauvages pour les jeux du cirque ainsi le marbre jaune de Chemtou et l'importation des vins, du marbre de Carrare vers la Tunisie.
Si le site de Bulla Regia n'a pas l'éclat de celui de Dougga, c'est que le luxe est enseveli. L'intérêt est, en effet, dans les sous-sols des maisons, effondrées à la suite de nombreux tremblements de terre, que se cachent les trésors de la patricienne cité de Bulla Regia (la Résidence royale).
Cette cité était alors habitée par de riches notables qui avaient les moyens d'avoir une maison à deux étages : un rez-de-chaussée pour la vie en hiver et un sous-sol, donc plus frais, pour l'été. La Maison du trésor n'est pas l'Hôtel des impôts mais bien celle où l'on a retrouvé 273 pièces d'or.
Le théâtre est en bon état de conservation ainsi que la maison de la pêche et de Vénus avec une splendide mosaïque extrêmement bien conservée. Une rareté car pratiquement toutes les statues et mosaïques en bon état ont été transférées au Musée du Bardo à Tunis. Le site a été découvert par des archéologues intrigués par ce qui s'apparentait à une fenêtre mais qui débouchait sur rien. Alors, ils se sont mis à creuser et là ... s'est révélé le miracle d'une cité enfouie qui déplie ses splendeurs longtemps cachées.
Cependant, il y avait un problème. Les Tunisiens avaient construit leur village sur la ville romaine, sans en connaître l'existence. Alors, avant de commencer les fouilles, il a fallu reconstruire un village de part et d'autre du site et déménager la population, tout en empêchant le pillage des ruines, car, comme un peu partout dans le monde, on se sert des vieilles pierres estimées inutiles pour construire les maisons.