Des dizaines de supporters égyptiens ont péri dans des scènes de chaos. (Xinhua)

Gangrène

Piétinés, poignardés, étranglés, battus à mort dans l’enceinte d’un stade de football, des dizaines de supporters égyptiens ont péri mercredi soir dans des scènes d’incroyable chaos, de sauvagerie à peine imaginable sur la pelouse et jusque dans les vestiaires, sous le regard impassible de forces de sécurité, selon de nombreux témoignages.

Cette explosion d’horreur plonge à nouveau l’Egypte dans un climat de crise grave, met en péril le processus de normalisation entamé avec les élections législatives. Les questions, nombreuses, sur les circonstances du déchaînement meurtrier de Port Said, lieu du carnage, convergent sans surprise vers le terrain politique, sur les traces d’une révolution inachevée, dont les tensions, toujours vives, peuvent se répandre dans des bains de sang.

La tuerie de Port Said est à l’évidence une réplique des batailles engagées sur la place Tahrir en février 2011. Les Frères Musulmans, désormais partiellement au pouvoir en attendant les élections présidentielles, pointent du doigt les partisans de Moubarak. Bête noire des forces de l’ordre, les Ultras d'Al Ahly (club de visiteurs) qui avaient activement participé au soulèvement, auraient fait l’objet d’une agression préméditée avec la complicité des unités de police restées fidèles au président déchu.

Une chose est sûre dans tous les cas, derrière ces mécanismes apparents d’un piège tendu sur un terrain de football pour une bataille de revanche, il y a la responsabilité de l’armée aux commandes du pays. L’institution semble complètement dépassée, dans l’incapacité d’assurer les conditions d’une transition vers un régime républicain. Les troupes du maréchal Tantaoui, chef du conseil suprême de l'armée, sont investies d’une simple mission de pompiers, chargées de circonscrire le feu de la contestation du régime, tandis que l’état-major veille sur les matelas de privilèges et autres richesses de l’institution.

Un an après la chute de Moubarak, tandis que militaires et islamistes se regardent en chiens de faïence avant de trouver probablement un terrain d’entente, la hausse de l’insécurité et la banalisation de la violence rongent la société égyptienne, comme une gangrène.