Kamel Daoud © Laurence Lamoulie

Le Minotaure 504, Kamel Daoud

Pablo Picaso disait : « Si on marquait sur une carte tous les itinéraires par où j’ai passé et si on les reliait par un trait, cela ferait peut-être un minotaure. » Dans la nouvelle-titre de Kamel Daoud, on se retrouve les yeux dans les yeux avec un de ces minotaures cachés sous les traits d’un simple « taxieur qui déconseille aux gens d’aller sur Alger » :

« (Il souffle. Bruit rauque. Des narines qui s’élargissent.) Un jour elle va me tuer. Cette route va me tuer. Elle m’a transformé en monstre (il ne cessait de répéter cette phrase, et j’étais d’accord avec lui. J’étais fatigué. Les autres passagers se réveillaient. Je regardai le chauffeur et je fus pétrifié : il avait l’air encore plus seul maintenant. Comme coincé dans un règne à part. Plutôt coincé entre deux règnes : moitié homme, moitié…) Ah, Alger ! »

Dans de cet opus de nouvelles, le premier publié en France, l’auteur nous fait partager le quotidien de l’Algérie d’aujourd’hui en dessinant le portrait de quatre personnages écrasés par l’histoire de leur pays et de ses héros qui « comble de cette Indépendance qui lui avait donné la victoire mais pas les moyens de la raconter et qui me donnait les moyens d’écrire dans un pays où il ne se passait plus rien. Le pire était qu’il estimait que je devais lui servir de nègre non parce qu’il me payait mais parce que je devais payer une dette en quelque sorte, une dette à celui qui m’avait offert ce pays sur un plateau sans s’apercevoir qu’il en avait déjà mangé plus de la moitié. »

Des nouvelles écrites avec des mots cinglants et percutants qui appuient là où ça ait mal, là où l’Algérie a mal. Mais aussi un livre inspiré par des algériens ordinaires qui sont portés par l’extraordinaire envie de vivre ce premier jour de liberté « qu’on aurait peut-être pu commencer à vivre ».

Né en 1970 à Mostaganem, Kamel Daoud vit et écrit en Algérie. Sa chronique « Raïna Raïkoum » (« Mon opinion, la vôtre ») dans le Quotidien d’Oran, est réputée pour son audace, la clarté de ses analyses et chez certains pour cette dose d’impertinence précieuse.

Il sera présent à Marseille lors des prochaines Rencontres d'Averroès, à l'invitation des Bancs Publics et dans le cadre des Rencontres à l'Echelle à l'occasion desquelles il travaillera avec le chorégraphe Haïm Adri. Quant à son livre, il est en lice pour le 14e prix Wepler-Fondation La Poste qui sera décerné le 14 novembre 2011 dans la brasserie parisienne « Wepler ».

Le Minotaure 504, Kamel Daoud
Paru en mai 2011 aux Editions Sabine Wespieser, 109 p., 13 €.