De la Syrie en Allemagne : Mahmoud, réfugié syrien raconte son parcours.

Mahmoud, réfugié syrien : « Je ne suis pas mort sous les bombes, je ne suis pas mort noyé… »

Depuis le début de la guerre en Syrie, près de 5 millions de personnes ont quitté leur pays dans l’espoir d’échapper à la mort. Tandis que la majorité s’est réfugiée dans les États frontaliers, certains ont préféré traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Portrait de l’un d’entre eux.

«Certaines personnes qui voyageaient avec moi se sont noyées. On ne pouvait rien faire. Ils sont morts sous mes yeux ». Mahmoud, 23 ans, a traversé la Méditerranée depuis l’Egypte à ses risques et périls pour rejoindre l’Allemagne. Il est arrivé en Europe en 2013. Quatre ans plus tard, il se rappelle de sa traversée dans les moindres détails. Aujourd’hui, il se dit encore traumatisé par ce qu’il a vu mais surtout par ce qu’il a vécu. « Je suis resté sept jours dans la mer sans pouvoir manger ni dormir. On était une centaine de personnes dans une embarcation de fortune. Il n’y avait pas de place pour bouger. On était recroquevillés sur nous-mêmes. On filtrait l’eau de la mer avec des chaussettes pour boire » se remémore-t-il avec émotions.

Si Mahmoud est arrivé à bon port. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Il confie que la petite barque a cédé à la pression de tous les passagers. « Avant d’atteindre l’Italie, la coque s’est percée. L’eau a commencé à rentrer. Certains ne savaient pas nager et ont perdu la vie. J’ai vu des corps de bébés flottés. Pour les plus chanceux, comme moi, des membres de la garde côtière italienne ont pu nous sauver à temps ». Une fois ramené sur la terre ferme, il révèle avoir été frappé par des policiers italiens avant d’être relâché et livré à lui-même. Les autorités lui ont donné un délai de deux jours pour quitter leur pays. Avec quelques euros en poche, il a réussi à rejoindre sa destination : l’Allemagne. 

Au total, ce voyage lui aura couté $ 5.000. Son argent vient de ses économies personnelles. « J’ai accumulé les petits boulots en Égypte pour pouvoir financer ce trajet. Au départ, avant d’embarquer je veux dire, on donne 50 % de la somme aux passeurs et si on arrive vivant, on donne le reste. Puis, une fois arrivé sur la terre ferme, il faut payer des trafiquants qui t’aident à traverser les États sans se faire arrêter par les autorités locales » explique-t-il. 

Après avoir fui Homs, sa ville natale, à cause des bombes, Mahmoud s’était installé dans le pays des pharaons pour espérer se construire un avenir à la hauteur de ses exigences. Il souhaitait continuer ses études d’architecte. Mais, face à la situation chaotique de ce pays, il a préféré cumuler les petits jobs pour tenter sa chance de l’autre côté de la Méditerranée. 

S’il a atteint une partie de son objectif, ce n’était pas sans conséquence. Traumatisé, pour lui, il est hors de question de mettre les pieds à la plage. « Dès que je vois la mer, je repense à tout ce que j’ai vécu. À ces nuits interminables passées dans la petite barque. À ces corps innocents ». Mahmoud a aussi perdu près de 15 kilos depuis qu’il a quitté la Syrie. 

Aujourd’hui, le jeune homme essaie de se reconstruire. Il maitrise assez bien l’allemand et travaille en tant que serveur dans un restaurant. Il attend de finir l’apprentissage de la langue avant de se lancer dans des études supérieures à la rentrée prochaine. Mais il espère que d’ici là son pays retrouve la paix et qu’il puisse y retourner. « J’aime l’Allemagne, ils m’ont très bien accueilli. Je ne les remercierais jamais assez. Mais, je ne veux pas m’éterniser ici. Mon pays me manque et je veux y revenir ». 

 

Quelques chiffres sur la crise des réfugiés

    •    65,3 millions : C’est le nombre de déplacés toutes origines confondues en 2015. 40 millions d’entre eux sont des déplacés internes. D’après le rapport statistique annuel du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) 

    •    4,8 millions : C’est le nombre de réfugiés syriens fuyant leur pays à cause de la guerre. Près de 9 millions de Syriens se sont déplacés à l’intérieur du pays. 

    •    1.828 : C’est le nombre de migrants morts en Méditerranée depuis janvier 2017 selon l’Organisation internationale pour les migrations. En 2016, ce sont 3.800 personnes qui ont péri en mer.