France : l’identité, un débat hors-sol offert au Rassemblement National (Édito)
Par Nadjib TOUAIBIAPublié le
Sauvé de justesse de la censure par l’extrême droite, François Bayrou s’empresse de la gratifier d’un biscuit pour s’assurer encore de ses bonnes grâces. Sait-on jamais, Marine Le Pen pourrait à nouveau pointer des «lignes rouges» ; il faut donc aller plus vite, prendre un train d’avance.
Qui l’eût cru ? Et revoilà l’inépuisable thème de l’identité nationale, un serpent de mer à portée de main, pain bénit pour le duo à la tête de la Justice et de l’Intérieur, têtes de pont avec le Rassemblement National. Mot de plomb, non pas pour distiller la peur, comme le disent les mauvaises langues, la «submersion» de la France par des vagues d’étrangers justifierait un branle-bas de combat, selon le Premier ministre.
Gare à ces gens qui deviennent français par le «hasard de la naissance», sans «effort», sans «volonté». Et d’ailleurs, comme par un fait exprès, la droite a eu la bonne idée de préparer le terrain. Fini le droit du sol, cette facilité dont on se régale à Mayotte, pourtant territoire de misère à l’abandon, aujourd’hui en ruine, pour s’improviser français. Vite ! Place à «un débat plus large» sur ce sujet. «Vous voyez bien ce qui fermente depuis des années (...) Qu'est-ce qu'être français ? Qu'est-ce que ça donne comme droits ? Qu'est-ce que ça impose comme devoirs ?», s’est interrogé l’occupant de Matignon, vendredi 7 février, sur la radio RMC.
La messe est dite : il y a du grain à moudre sur les plateaux de télévision à propos de cette francité mal acquise et maltraitée. Il y a de quoi occuper l’opinion, nourrir la pensée médiocre, raviver le racisme sournois. Et surtout, de quoi réjouir le Rassemblement National, bien content d’être un peu au pouvoir avant de s’en accaparer. Bayrou et ses ministres font, plus ou moins, le job qu’il attend d’eux ; les jours meilleurs viendront.
Tout baigne donc dans le camp des macronistes avec le soutien de la droite et de l’extrême droite. Mais le convoi avance sur un terrain social miné. Comment ignorer les 5,1 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, un chiffre en évolution constante, les plus de 4 millions qui souffrent du mal-logement, les centaines de milliers de salariés menacés de licenciements, les vagues de chômeurs qui s’annoncent pour 2025 ?
De l’identité, ce discours creux, redondant et hors-sol, cette France-là n’en a cure. Elle pourrait bien renverser la table et imposer la censure du gouvernement Bayrou. Attention au retour de manivelle !