Algérie : le formidable défi des démocrates
Par N.TPublié le
Un spectre hante les allées du pouvoir algérien : le retour en force des islamistes qui pourraient bien gravir les marches jusqu'au sommet de l'Etat à la faveur des législatives prévues pour le mois de mai prochain. Le parlement virerait ainsi massivement au vert.
Si l'on en croit certains médias, qui citent des "sources proches de la présidence", les dirigeants algériens s'inquièteraient particulièrement de la multiplication des contacts entre les leaders islamistes et certaines chancelleries de puissances occidentales, dont la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis. Celles-ci verraient plutôt d'un bon œil l'instauration d'un régime proche du modèle turc auquel elles croient désormais dur comme fer après les récents scrutins dans les autres pays arabes.
Sans doute fort bien conseillés, les islamistes tentent par ailleurs de faire bloc, d'unir leurs rangs, contrecarrant ainsi la stratégie du pouvoir qui travaille à les diviser en se préparant à sortir du chapeau des formations qui pourraient semer le trouble et fausser le jeu électoral dans leur camp.
La donne se résumerait ainsi à un bras de fer en perspective entre le pouvoir et les islamistes qui ont le vent en poupe dans la lancée du "printemps arabe" et sous le regard désormais bienveillant des puissances occidentales.
Gavés de sommes faramineuses amassées dans l'économie de bazar où ils excellent et abondamment arrosés de pétrodollars, les islamistes ont à première vue largement de quoi damer le pion au FLN et au RND, partis confortablement installés aux commandes depuis des décennies.
Le pouvoir algérien semble sur la défensive, mais il n'est pas affaibli pour autant. La rente pétrolière lui permet de contenir l'explosion sociale et surtout d'entretenir sa clientèle et d'élargir la base de ses formations support.
Habituellement grassement servies par la fraude, ces dernières risquent cependant de faire cette fois les frais d'une relative transparence des élections en raison du contexte et de la pression internationale.
Les démocrates algériens, qu'ils soient ou non militants d'un parti d'opposition, doivent-ils se résigner à être les spectateurs de ce match aux conséquences désastreuses dans tous les cas?
Disons-le tout net : mettre fin à la guerre des chapelles, aux confrontations stériles dans des débats de salon, serrer les rangs pour dénoncer un pouvoir totalitaire et corrompu qui a creusé le lit de l'intégrisme et de la réaction est plus que jamais une urgence.
L'alliance entre les mouvements d'opposition ainsi que la construction de stratégies communes de campagne pourraient constituer un premier signal en direction de larges couches de la population jusque-là majoritairement tentées par l'abstention, car convaincues que les jeux sont faits d'avance.
L'argent est certes le nerf de la guerre entre le pouvoir et les islamistes. Les démocrates algériens n'en ont pas moins un rôle, une responsabilité à assumer.
Dans le monde associatif, syndical, de l'éducation, de la culture, de la santé, chez les jeunes chômeurs, les étudiants, partout dans la société civile il y a un appel d'air, un besoin de rassemblement et de résistance dont ils doivent se faire l'écho au-delà de leurs divergences.
S'abandonner à un renoncement serait un insupportable gâchis, une erreur politique qui favoriserait encore la régression du pays. La moindre parcelle arrachée par la force des idées constitue une avancée, y compris une poignée de sièges au parlement, pour "faire du bruit", se faire entendre, tisser des réseaux, dénoncer, gêner et parasiter les discours démagogiques, sensibiliser, mobiliser...
La "famille qui avance" se doit de ne pas rester dispersée en regardant passer un train bondé de politiciens véreux, d'affairistes, de réactionnaires et autres fossoyeurs. Affronter et résister à la double pression du pouvoir et des islamistes, tel est aujourd'hui le formidable défi des démocrates algériens.