Voile à la fac en France, les ministres se contredisent
Par jcsPublié le
En pleine période de Ramadan, un débat a surgi dans la société française : faut-il interdire le port du voile à l’université ? Au gouvernement, Manuel Valls laisse entendre qu’il y est favorable, tandis que pour Geneviève Fioraso, “ce n’est pas un sujet”.
La polémique a été lancée par un rapport remis à l’Observatoire National de la Laïcité (ONL) par le Haut Conseil à l’Intégration (HCI). Dans ce rapport figurent une douzaine de propositions, dont celle d’interdire “dans les salles de cours, lieux et situations d'enseignement et de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, les signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse".
Une formulation floue, mais qui vise évidemment les étudiantes musulmanes portant le voile. Depuis quelques jours, le débat s’est donc installé en France, alors même que les musulmans célébraient le mois de jeûne du Ramadan.
Une coïncidence de date qui peut laisser libre court aux interprétations. D’autant que la polémique a rapidement enflé, comme s’il était tout à coup devenu urgent de débattre de cette question.
Sondage d’opinion
Ce rapport, remis en avril à Jean-Louis Bianco, le président de l’ONL, “ne devait pas être communiqué avant la fin de l’année”, a indiqué Benoît Normand, secrétaire général du HCI. Il a pourtant été rendu public dans un article du Monde paru ce mardi.
Jean-Louis Bianco s’en est étonné, faisant part de son “incompréhension”, et précisant que “cette question du port du foulard dans l'enseignement supérieur n'est pas à ce stade dans le plan de travail de l'Observatoire de la Laïcité".
Le président de la Conférence des Présidents d’Université a fait savoir quant à lui n’avoir “jamais demandé qu'on légifère contre le port du voile à l'université. Pour la bonne raison que nous ne sommes pas favorables à une loi. Par ailleurs, il n'y a aucune aggravation de la situation dans les facs".
Le débat s’est pourtant invité en plein cœur de l’été. Le Figaro en a profité pour réaliser un sondage, révélant que 78% des personnes interrogées se déclaraient opposées au port du voile à l’université, seuls 4% se disant favorables, pour 18% de personnes indifférentes.
Comme souvent sur ces questions, le clivage gauche-droite est assez relatif. Le résultat détaillé de ce sondage IFOP indique en effet que 67% des sympathisants de gauche se prononcent contre le port du voile. Ils sont 91% à l’UMP et 95% au FN.
Désaccord ministériel
En attendant certainement de rebondir à la rentrée, la controverse a aussi atteint les ministères. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, mais aussi chargé des cultes, a assuré que les douze propositions, émises par le HCI, dont celle d’interdire le port du voile dans les facultés, étaient “dignes d’intérêt”, ajoutant qu’il “faudrait mettre de la cohérence (universités, IUT). Il faut le faire avec méthode et en recherchant le consensus possible."
Mais aujourd’hui sa collègue Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur n’a pas hésité à le contredire, sans laisser place à l’ambiguïté. “Ne faisons pas une polémique d'un sujet qui n'en est pas un”, déclarait-elle ainsi sur les ondes de France Inter.
“L'université, ce n'est pas comme le collège ou le lycée, il s'agit de jeunes majeurs. Aucune université n'a saisi le ministère à ce sujet : c'est donc que ça ne pose pas de problème”, a-t-elle ajouté.
En apparence le débat est clos. En apparence seulement. Le fait que la mesure d’interdiction semble si populaire dans l’opinion pourrait changer la donne à la rentrée. Manuel Valls, qui passe un été très médiatique, l’a bien compris.
A l’heure où la majorité cherche surtout à regagner de la popularité et de la sympathie, un tel débat pourrait être une clef pour grappiller quelques points dans les sondages...