Rappeler que la solidarité, l'esprit de résistance sont plus que jamais d'actualité, réalise une performance-spectacle pour leur rendre hommage en paroles et en action.

Le "Fruit mordoré, une lumière dans la nuit" - Une performance en hommage à la coopérative Le Fruit mordoré

Le Fruit mordoré, une lumière dans la nuit, une performance en hommage à la coopérative Le Fruit mordoré
En novembre 1940, à Marseille, un groupe de 7 personnes aux engagements politiques divers, tous unis contre le fascisme, le nazisme et la politique de collaboration de Vichy, décide de se constituer en coopérative et de fabriquer et vendre une friandise qui vient à point nommé dans cette France soumise à rationnement, aux cartes d'alimentation, à la pénurie.


Nommée CroqueFruit, la friandise rencontrera très vite un grand succès. La coopérative permettra à environ 300 personnes de survivre, plutôt bien, jusqu'en novembre 1942 et servira également de couverture pour des activités de Résistance. Certains y ont travaillé quelques semaines, voire quelques mois, d'autres pendant les deux ans de l'existence de la coopérative.

En octobre 2013, un groupe de 11 personnes venues de partout, de France, des États-Unis, d'Espagne, tous unis par leur admiration pour ces courageux coopérateurs et par la conviction qu'il est urgent de rappeler que la solidarité, l'esprit de résistance sont plus que jamais d'actualité, réalise une performance-spectacle pour leur rendre hommage en paroles et en action.

C'est Anna Wexler, poète, artiste et professeur, habitant à Boston, qui en a eu l'idée il y a plusieurs années après avoir lu l'article d'Alain Paire Entre Villa Air-Bel et rue des Treize escaliers, Sylvain Itkine et les CroqueFruits paru dans le livre sorti à l'occasion de l'exposition Le Jeu de Marseille au Musée Cantini.

Nous nous sommes rencontrées à Boston en avril 2010 et avons commencé à travailler ensemble sur son projet.

La performance a eu lieu à la Bibliothèque Alcazar, à Marseille, les 16 et 19 octobre 2013.

Nous avons choisi de présenter notre spectacle dans le hall de la bibliothèque. Parce que c'était avant tout une performance, même s'il y avait un texte et parce que nous espérions que la réaliser dans un lieu ouvert nous amènerait des lecteurs de l'établissement, venus pour consulter ou emprunter.

Cela ne fut pas facile de jouer dans ce lieu très bruyant. Il y avait peu de place pour le public. Mais celui-ci, très nombreux, a été très touché et intéressé. Les retours de la part du public et des médias ont été très positifs.

La performance s'est déroulée ainsi.
D'abord nous installons notre atelier dans le décor réalisé par la Bibliothèque Alcazar (bannières avec photos de CroqueFruitiers et slogans, tables...)

Le spectacle commence par une première conversation, autour d'une table de bistrot figurant le café Le Brûleur de loup, lieu à l'époque fréquenté par les coopérateurs et les habitants de la Villa Air-Bel. Elle situe la période : la répression, les lois de Vichy...

Puis le guitariste et la chanteuse interprètent La chanson de la faim, paroles Sylvain Itkine, musique Maurice Marc et Jean Jacquin.

Dans la conversation suivante le groupe autour de la table décide de fabriquer la pâte de fruits et crée la coopérative. Notre lectrice donne alors les noms des sept premiers coopérateurs : Jean Rougeul, Guy d’Hauterive, Sylvain Itkine, René Bleibtreu, Georgette et Elio Gabaï, Naoum Kreinine

Ensuite nous nous installons à nos places et commençons à travailler, c'est à dire à fabriquer des CroqueFruits tout en conversant. Certains des propos tenus font référence à des CroqueFruitiers précis.

On frappe à la porte. Les coopérateurs, passée la crainte que ce soit la police, accueillent chaleureusement une jeune femme. Elle arrive recommandée par le frère d'un CroqueFruitier. Elle sera bientôt des leurs.

Des CroqueFruits lui sont offerts pour lui permettre de récupérer des forces (elle vient de Paris). Dans le même temps nous en distribuons au public, et nous scandons les slogans vantant le CroqueFruit:

–Pas d'histoire, mangez du CroqueFruit
–L’aliment qui réjouit, la friandise qui nourrit
–Fruit doré, fruit adoré.
–Je pense donc je suis...Descartes ! Je mange donc CroqueFruit...sans carte.
–CroqueFruit, le fruit qui n'est pas défendu, repris en chœur par l'ensemble du groupe.

Puis la lectrice lit une partie des statuts de la coopérative.

Je ne citerai ici que l'article n°6 :
Il est bien entendu que toutes facilités seront accordées à chacun pour augmenter les heures de liberté qui lui sont nécessaires, sous réserve de ne pas
entraver la bonne marche de l’affaire.

Ensuite une ouvrière explique à la nouvelle venue quels sont les ingrédients utilisés. Elle lui dit que l'idée vient de Guy d'Hauterive et que Lucien Itkine travaille dans son laboratoire à varier les compositions.

Le guitariste et la chanteuse improvisent une chanson sur les noms des ingrédients puis l'un de nous fait des propositions incongrues que nous commentons joyeusement.

Puis chacun d'entre nous explique en paroles et en action à la nouvelle venue les différentes étapes de la fabrication : couper, peser, façonner et rouler, enrober, envelopper et ranger dans les boîtes.
Au moment de l'étape enrobage le guitariste et la chanteuse interprètent Et je chante, paroles : Francis Lemarque,musique : Michel Korb.

La dernière étape, le pliage permet à l'ouvrière de parler de la publicité du CroqueFruit dessiné par Jean Effel et de mentionner le fait que le succès de la pâte de fruits déborde la région.

Notre lectrice mentionne les activités de Résistance d'une partie des coopérateurs, permises notamment par le démarchage des commerciaux.

Nouvelle chanson : J’ai tout connu, paroles et musique Francis Lemarque.

Puis notre lectrice annonce la fin de la coopérative et nous cessons de travailler. Elle lit une lettre de licenciement adressée à Sylvain Itkine par l'administrateur provisoire indiquant que le personnel de race juive doit être licencié, et que c'est là la raison de son licenciement. Nous lisons chacun à notre tour des extraits d'Écrits français de Walter Benjamin.
La performance se termine par la chanson Le Cœur a sa Mémoire, paroles et musique de Rachel Leibowitch, la jeune sœur des frères Marc.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Irène Itkine
Fille de Lucien Itkine
Nièce de Sylvain Itkine

Notre groupe :
Brigitte Allègre, Valérie Chabert, Pasqualino Colombaro,
Anne Garrigue, Megan Harvell, Irène Itkine,
Myriam Itkine,Sonia Itkine, Anna Wexler,
Bernard Zakarian et Michel Zotter

Bibliographie sommaire :
Article d'Alain Paire sur son site,
article d'Adrien Bosc dans le n°2 de la revue Feuilleton,
articles de Delphine Tanguy dans la Provence les 27/12/2010, 13/10/2011 et en septembre 2013