Algérie: le clan présidentiel balise le terrain de la succession à Bouteflika
Par N.TPublié le
La succession au président Bouteflika suscite à nouveau un débat public. L’énigme Chakib Khelil, ancien ministre de l’énergie soupçonné de corruption puis étonnement blanchit, divise l’opinion.
Stupéfiante énigme que la fin la fin de règne du président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui déroute nombre d’observateurs, envoie des signaux contradictoires, met en scène sur la place publique une kyrielle de personnalités, déclenche de batailles politico-médiatiques à rebondissements.
L’état de santé du président et sa succession restent une question récurrente. Un fait qui défraye la chronique la rend plus que jamais d’actualité: l’entrée sur la scène publique de Chakib Khelil, 76 ans, ex-dirigeant de l’entreprise publique d’hydrocarbures Sonatrach et ex-ministre de l’Énergie et des Mines et (1999-2010), qui présida également l'organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en 2001et en 2008. Mr Khelil est aussi très proche d’Abdelaziz Bouteflika et natif d'Oudja, ville marocaine frontalière.
Son camarade de classe l’aurait-il adoubé ?
Le personnage est soupçonné d’avoir trempé dans une vaste affaire de corruption (1). En août 2013, il fait l’objet, avec son épouse et ses deux enfants, d’un mandat d’arrêt international. L’ex-ministre avait entre temps quitté le pays en direction des Etats-Unis. Surprise : il est subitement réapparu sur le territoire national le 17 mars 2016, reçu en grande pompe à l’aéroport d’Oran. Les poursuites en son encontre auraient annulées pour vice de forme ! Et depuis lors, l’individu est encensé par des personnalités au pouvoir, dont le secrétaire général de l’ex-parti unique (FLN), Amar Saadani, le qualifiant de «plus brillant cadre algérien sali par les Services spéciaux». Mais pas seulement. Mr Khelil a entamé dans la foulée une vaste tournée des zaouïas, des confréries religieuses à forte audience dans l’Algérie profonde. Est-il en campagne ? Son camarade de classe Bouteflika aurait-il adoubé pour lui succéder ?
« Il a trahi son pays en 2001 avec la dénationalisation des mines… »
« Je n’en suis pas convaincu », réagit le sociologue Nacer Djabi, enseignant à l’université d’Alger. « Une chose est sûr, le système est vraiment en crise, les services de sécurité n’ont plus le même poids, d’autres centres de pouvoir émergent, dont l’oligarchie, mais il est encore trop tôt pour se prononcer, Khelil n’est pas vraiment tiré d’affaire », affirme-t-il. L’ancien ministre suscite en attendant la colère de Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT, gauche). « Ce monsieur est revenu avec un agenda spécifique pour détruire le pays comme il a fait à l’époque où il était à la Banque mondiale avec son projet de réforme des hydrocarbures en Argentine qui l’a mise à genoux. Il est revenu avec un agenda pour servir les intérêts des USA », dénonce-t-elle. « Chakib Khelil est un traître, il a trahi son pays en 2001 avec la dénationalisation des mines et en 2005 quand il essayé de faire la même chose avec les hydrocarbures », bombarde-t-elle, lors d’un meeting à l’occasion du 50e anniversaire de la nationalisation des mines, le 6 mai 1966. Selon les dernières révélations de l’affaire Panama papers, délivrées le 9 mai, l'épouse de Mr Khelil, Najat Arafat, disposait en 2005 de deux sociétés offshore au Panama servant de paravents à des comptes bancaires en Suisse.
L’offensive contre la presse indépendante...
Qu’il soit ou non candidat à la présidentielle, l’individu divise l’opinion, notamment avec ses interviews sur le ton de la confidence diffusées par les chaînes de télé satellitaires arabophones, qui sont en réalité des relais du discours officiel. Cette agitation coïncide de plus avec une offensive du pouvoir contre la presse indépendante. Le ministre de la Communication multiplie les attaques contre les journaux francophones El Watan et Liberté, accusés « de dresser un tableau noir de la situation ». Il tente de s’opposer au rachat du quotidien arabophone Al Khabar par une société appartenant à l’industriel kabyle Issad Rebrab. « On redoute qu’il (l'industriel) prenne plus de puissance et qu’il ait des ambitions gênantes en disposant d’un titre de cette envergure, républicain et progressiste », souligne Nacer Djabi. Le clan présidentiel s’empresse ainsi de baliser le terrain de la succession.
(1) L'affaire dite « Sonatrach 2 » est liée à 198 millions d'euros de Pots-de-vin qui auraient été versés par l'entreprise italienne Saipem à des "proches de Chakib Khelil" et à son intermédiaire Farid Bedjaoui. Le mandat d’arrêt international sera dit avoir été annulé pour vice de forme (non respect des articles 573 et 574 du code de procédure algérien).