Derrière la façade prestigieuse de l’IA, l’enfer des petites mains exploitées en coulisse
Par Nadjib TOUAIBIAPublié le
Tandis que se tient au Grand Palais à Paris, le premier sommet de l’IA où l’on parle d’investissements pour le moins impressionnants, dont 50 milliards d’euros engagés par les Émirats arabes unis dans la construction d’un data center XXL en France, la chaîne de TV France 2 diffuse une émission sous le titre Les Sacrifiés de l’IA. Édifiant.
Le documentaire d’Henri Poulain lève le voile sur la face cachée de cette gigantesque combinaison d’algorithmes, pour le dire simplement. Il s’agit d’une exploitation vorace des « data workers », ces « travailleurs des données », ceux qui traitent, de différentes façon et laborieusement, une masse colossale d’informations transformées par l’IA. Et ces gens-là se trouvent, sans surprise, dans les pays Sud sous le contrôle des entreprises de la Silicone Valley.
On en dénombre environ 430 millions à travers le monde. Ils sont payés au lance-pierre, triment entre quarante-cinq et soixante heures par semaine et sont cloués par des clauses de confidentialité très strictes, qui peuvent les mener en prison et les frapper d’amendes ruineuses pour le restant de leur vie.
Une nouvelle supercherie dans l’univers du capitalisme prédateur
« Notre travail est de nettoyer l’IA pour que vous puissiez en profiter dans les pays occidentaux, raconte un data worker kényan. On est sacrifiés pour ça. ». Ces petites mains sont à l’œuvre dans un contexte infernal pour satisfaire les innombrables attentes d’un système ultra-complexe présenté comme la voie d’un avenir radieux pour le reste du monde, à commencer par les pays riches. Une nouvelle supercherie voit le jour dans l’univers d’un capitalisme prédateur. On pompe à bas coût la ressource travail de populations déjà laissées-pour-compte par l’échange inégal avec les nations opulentes.
Le grand public n’en sait rien, tout comme il ignore les dégâts écologiques et les enjeux éthiques et sociaux. N’apparaissent, à travers une communication très rassurante, que les performances fascinantes et les promesses de progrès considérables, notamment dans le secteur clé de la médecine.
Quelques voix d’experts s’élèvent toutefois pour évoquer la disparition quasi programmée de nombreux métiers, sans trop insister cependant. Pour l'instant, l'on retient de l'IA que cette espèce de magie fascinante. La partie sombre de celle-ci reste encore assez invisible.
Les Sacrifiés de l’IA, France 2, mardi 11 février à 22 h 40.