Crédibilité
Par N.TPublié le
Il pleuvra des milliards d'euros pour le "printemps arabe"! Telle est la belle promesse des pays les plus industrialisés réunis samedi 10 septembre sous le soleil de la cité phocéenne, pour un G8 spécialement consacré à la question de l'aide à ces pays en "transition" sous l'appellation plutôt folklorique de "partenariat de Deauville".
Si l'on en croit Francois Baroin, ministre français de l'Economie, l'heure est à la mobilisation générale pour l'articulation des aides de toute nature envers ces peuples qui ont osé mettre à bas des despotes et exiger de leurs nouveaux dirigeants l'ouverture de la voie vers la démocratie.
Promis! L'argent coulera à flot, jusqu'à 80 milliards de dollars (environ 56 milliards d'euros), dans les rouages des économies égyptienne, tunisienne, marocaine et... libyenne, en provenance des institutions financières internationales et des pays riches. Qui s'en plaindra?
Cet empressement du G8 à claironner des estimations chiffrées de l'aide avant même les résultats du suffrage universel dans ces pays n'est cependant pas sans soulever quelques questions.
Première fausse note dans ce concert de générosité: les "modalités pratiques" de l'élan annoncé à la sortie de la grand-messe marseillaise restent une zone d'ombre. Bien malin qui pourra en deviner les contours derrière les formules alambiquées des déclarations sans fin. C'est le flou total.
Autres aspects et pas des moindres: l'enthousiasme pour la démocratie naissante dans le monde arabe est-il à prendre pour argent comptant de la part de pays qui se sont tranquillement accommodés, des années durant, de régimes dictatoriaux dans cette région?
Quel est le "retour sur investissement" attendu si ces promesses d'aide venaient à se concrétiser vraiment, et quelles en sont les conditionnalites? Comment ne pas craindre l'intensification des mesures "d'ajustements structurels" et autres préconisations résolument anti-sociales, calées sur le modèle libéral et dans le seul intérêt d'ouvrir et de protéger des débouchés pour les entreprises occidentales? Un train peut en cacher un autre.
Plus que jamais, il revient aux forces démocratiques des pays arabes qui travaillent à transformer l'essai sur le terrain électoral de s'interroger sur la crédibilité des puissances industrialisées, de s'en inquiéter à la lumière de l'histoire récente. Sauf à prendre le risque de remettre les compteurs à zéro, il leur revient de sonder cette face cachée de l'aide aux multiples facettes.