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Marseille : la traite des êtres humains sur le banc des accusés

Mettre des visages et des voix sur une situation encore clandestine. Donner un nom aux histoires de personnes qui n’en ont plus. Et croiser les formes d’un phénomène encore à étudier. Telle a été la volonté de la 1ère rencontre Méditerranéenne sur la Traite des Etres Humains organisée par l’association Esclave Tolérance Zéro à la Cité des Associations, vendredi 17 juin.

L’histoire de Samia* est celle d’une jeune fille à qui on a donné un nom qui n’était pas le sien. Elle a fuit un mariage forcé et s’est retrouvée chez sa tante comme esclave domestique. Régulièrement violentée par la famille et violée par l’un des fils, elle était exclue de toute communauté humaine avant d’être conduite à l’association ETZ par les services d’un hôpital.

La traite des êtres humains est une condition indigne qui vise à utiliser la force de travail d’une personne de manière totalement gratuite. Cette situation qui est encore taboue dans nos sociétés est «réelle, symbolique et imaginaire» selon Ghita el Khayat, anthropologue et psychanalyste marocaine. «Les personnes intègrent à vie qu’elles sont esclave».

«La traite des êtres humains a pour volonté la déshumanisation. On confisque la parole de l’autre sur lequel on use de notre pouvoir de nomination et de dénomination» explique Nagham Hriech Wahabi, Directrice de l’association Esclavage Tolérance Zéro et Psychologue clinicienne.

Multiplicité des profils

L’esclavage moderne est difficile à appréhender sous un prisme particulier. Les formes sont diverses : travail ou mariage forcés, exploitation d’enfant, trafic des personnes pour le prélèvement d’organe, exploitation par mendicité, soumission à des activités illicites, exploitation dans le secteur du sport…

«C’est cette multiplicité de profil de victime d’esclaves et de profil d’exploiteur d’esclaves qui fait qu’on n’arrive pas à se saisir de ce phénomène» explique Nagham Hriech Wahabi, qui rappelle que l’esclavage est la 3ème source de trafic illicite dans le monde.

Cette multiplicité rend également difficile l’identification des cas. Pierre Dumont, fondateur et président d’honneur de l’association ETZ souligne le fait que «l’esclavage ne touche pas qu’une seule catégorie de personne mais qu’elle est répartie partout sur le territoire et sur la planète».

Le silence pèse lourdement. Face à cette situation, Yann Prévost, avocat au barreau de Marseille nous exhorte tous à être des « veilleurs » : «ces personnes sont tellement abandonnées et fragilisées que même un regard et une rencontre avec un voisin, l’instituteur ou l’assistance sociale peut générer une sauvegarde.»

Isabelle Appy

*Le prénom a été changé